De Georgy Ligeti, Aventures et nouvelles aventures, dans la mise en scène de Pierre Barrat, a été présenté à Avignon en juillet 1970 et repris en février 1971 au festival Art vocal et musique de notre temps à Angers : ce chef-d'œuvre d'humour et d'intelligence musicale, dont le « texte » est écrit dans une langue inventée pour son seul pouvoir sonore, offre de multiples interprétations scéniques et peut être considéré comme le type même de musique en action.

El Cimarron, de H. W. Henze, donné à ce même festival d'Avignon, s'apparente plutôt au théâtre musical. Composé sur le récit d'Esteban Montijo, un Noir de cent quatre ans qu'un ethnologue a rencontré à Cuba et dont il a recueilli les Mémoires (publiés en France sous le titre l'Esclave fugitif, par Miguel Barnet), cet ouvrage met en scène un chanteur, à Avignon W. Pearson, un percussionniste, Stomu Yamash'ta, un flûtiste, K. Zoller, et un guitariste, L. Brouwer. La musique crée un environnement au texte, chanté le plus souvent en Sprechsang (chanter-parler), et chaque musicien interprète un rôle musical et scénique. Les intentions politiques de Henze se manifestent une fois encore dans cette œuvre qui apparaît comme l'une des plus réussies dans le genre « théâtre musical de chambre ».

Art lyrique

« Fermé pour travaux » depuis le 1er septembre 1970, l'Opéra ne peut réouvrir en octobre dans des conditions normales. Les améliorations techniques — remplacement du jeu d'orgue et du plancher de scène, pose de porteuses électriques, agrandissement de la fosse d'orchestre — ont été réalisées, et la salle est prête à fonctionner. Mais les pourparlers sur la révision des conventions collectives de la Réunion des théâtres lyriques nationaux (RTLN, c'est-à-dire l'Opéra et l'Opéra-Comique) ont échoué après un an de guerre d'usure.

Ponctuées de coups de force — dénonciation des anciennes conventions en octobre par la Direction, licenciement des personnels artistiques (orchestres et chœurs) au 1er juin —, ces négociations sont menées depuis décembre par un inspecteur des finances, Jean Autin.

Le ministre des Affaires culturelles, Jacques Duhamel, intervient dans le conflit, fin avril, pour préciser ses intentions (« un Opéra fermé vaut mieux qu'un Opéra médiocre ») et donner une date limite à la conclusion des accords. Les personnels artistiques ayant rejeté le texte de leurs nouvelles conventions, l'Opéra-Comique ferme le 20 mai et la réouverture du palais Garnier semble compromise. Cependant les négociations se poursuivent. Les orchestres et le corps de ballet parviennent à un accord avec la Direction ; seuls les chœurs, dont les problèmes sont les plus difficiles à résoudre, restent sur leurs positions. L'Opéra et l'Opéra-Comique pourront néanmoins rouvrir.

Le poste d'administrateur de la RTLN, laissé vacant en mai par la mort soudaine de René Nicoly (Journal de l'année 1969-70), est confié au compositeur Daniel Lesur. Il assumera cette fonction jusqu'à ce que la nouvelle équipe de direction nommée à la fin juin prenne officiellement ses fonctions. Elle est composée de Rolf Liebermann, intendant de l'Opéra de Hambourg, assisté de Georg Solti, directeur du Covent Garden, et de Louis Erlo, directeur de l'Opéra de Lyon.

L'année lyrique à Paris s'est donc limitée au répertoire de l'Opéra-Comique et à une tournée de l'Opéra de Sofia, qui a présenté en mai Boris Godounov, la Khovantchina et Turandot au théâtre des Champs-Élysées.

Hormis quelques théâtres et notamment ceux de Lyon, Rouen et Nancy, les salles de province végètent et leur public ne cesse de diminuer. Pour les douze villes de la Réunion des théâtres lyriques municipaux (RTLM), le nombre d'entrées a baissé de près de 400 000 en quatre ans (sur un total de plus d'un million en 1966). Si l'on songe à la médiocrité des représentations de la plupart de ces Opéras et si l'on compare avec l'Allemagne, où fonctionnent presque à longueur d'année 80 théâtres, on réalise à quel point l'art lyrique en France est dans une situation précaire.