Mieczyslaw Moczar, 57 ans, un des personnages les plus étranges de la scène politique polonaise, est resté longtemps dans l'ombre du pouvoir avant de s'en approcher. Ouvrier et militant communiste avant la guerre, emprisonné en 1938, il est, sous l'Occupation, le chef d'un des plus importants maquis de l'armée populaire communiste, dans la région de Kielce-Lublin. Après la Libération, il occupe divers postes dans la police régionale, puis il est relégué à des tâches obscures pour ses tendances « nationalistes ». Il ressurgit en 1956, avec le retour de Gomulka, et est rapidement nommé vice-ministre de l'Intérieur (ministre en 1964). Son nom est bientôt associé au groupe des « Partisans », qui réunit des anciens des maquis farouchement nationalistes. En 1968, M. Moczar est l'âme de la campagne antisioniste et antilibérale qui aboutira au départ des juifs de Pologne. Il devient alors membre suppléant du bureau politique, strapontin que la chute de Gomulka transforme en fauteuil. Il inquiète son allié E. Gierek, qui, le 13 avril 1971, le prive de ses fonctions de responsable de la sécurité et, le 28 juin, de son poste de secrétaire du Comité central.

Wladyslaw Gomulka, 66 ans, a, au cours de sa longue carrière de militant, détenu à deux reprises le pouvoir suprême et en a été chassé à chaque fois. Membre du PC depuis 1927, il a milité avant la guerre dans les syndicats. Sous l'Occupation, il est un des fondateurs du Parti ouvrier polonais (communiste), dont il devient secrétaire général en 1943. Après la Libération, il sera le chef du Parti jusqu'en août 1948. Wladyslaw Gomulka est alors limogé pour « déviation droitière et nationaliste ». Exclu du PC, puis arrêté, il sera libéré en 1954. Et deux ans plus tard le mouvement libéral d'octobre 1956 refait de lui le Premier secrétaire du Parti. Mais il abandonnera vite ses alliés libéraux pour s'aligner sur l'URSS, acceptant depuis 1959 l'appui des anciens staliniens. La crise de décembre 1970 le trouve entièrement isolé au sein du Parti.

Concessions

Le lendemain, il est à Gdansk pour un meeting tout aussi houleux. De retour à Varsovie, il annonce l'abandon du système des stimulants économiques (appliqué en décembre à titre d'essai dans les ports de la Baltique), qui avait pour résultat d'accabler les ouvriers d'heures supplémentaires. C'est une première concession. Il y en aura d'autres.

Quelques mesures plus spectaculaires que concrètes sont prévues. On décide de reconstruire à Varsovie le château royal, symbole national de la Pologne ; dans les Administrations, l'Aigle blanc remplace les portraits des dirigeants.

Mais quand s'ouvre le 8 février le 8e plénum du Parti, la situation n'est pas stabilisée pour autant. Le limogeage des gomulkistes se poursuit : Gomulka est suspendu du Comité central, Kliszko et Jaszczuk en sont exclus ; quant à Loga-Sowinski et Kociolek, qui n'a pas su ou pas pu rétablir la situation à Gdansk, ils quittent le Bureau politique. Il faudra attendre le 15 février pour que les dirigeants polonais fassent une fois de plus, sous la pression d'une grève, une nouvelle concession. Les ouvrières des usines textiles de Lodz (parmi les plus mal payées de Pologne) cessent le travail. Jaroszewicz est envoyé sur place pour tenter de les calmer. Cela ne suffit pas. Le gouvernement annonce alors qu'il a décidé d'annuler purement et simplement les hausses de prix de décembre. Ce geste spectaculaire (rendu possible, semble-t-il, par la promesse d'une importante aide financière soviétique) désamorce la crise.

La normalisation des rapports de l'Église et de l'État franchit, le 23 juin, une étape importante : la Diète restitue à l'Église les biens qui avaient été nationalisés au lendemain de la guerre (4 700 églises et 2 000 bâtiments annexes).

Parallèlement, le fossé entre Gierek et les Partisans de Moczar semble devoir s'agrandir. Dans 9 voïévodies (sur 19), les secrétaires du Parti sont remplacés, Gierek tentant ainsi de reprendre en main l'appareil de province qui lui échappe. Tous ces changements se font en prévision du prochain congrès du Parti que le 9e plénum du Comité central, réuni à Varsovie le 16 avril, décide de convoquer pour fin 1971 ou début 1972.