Beaucoup plus controversée est la décision annoncée dès le mois de juillet par le secrétaire au Foreign Office, sir Alec Douglas Home, de reprendre les livraisons d'armes vers l'Afrique du Sud. Le gouvernement d'Harold Wilson s'était strictement conformé aux consignes d'embargo de l'ONU. Mais face aux arguments idéologiques, les arguments stratégiques et économiques pèsent lourd pour les conservateurs. Il s'agit à la fois de conserver la base de Simonstown, cédée à la Grande-Bretagne par Pretoria, en 1955, à condition que celle-ci fournisse des armes à l'Afrique du Sud et de ne pas laisser le marché sud-africain (150 à 300 millions de livres) aux concurrents français et allemands.

La déclaration de sir Alec est accueillie par des huées aux Communes et provoque un débat mouvementé de trois jours. Mais c'est à la conférence du Commonwealth de Singapour (14-22 janvier) que le Premier ministre se heurtera à l'opposition la plus dure non seulement de la part des États africains, mais du Canada. Il faudra toute son habileté pour éviter une rupture définitive au sein du Commonwealth.

Europe

La grande affaire de cette première année de gouvernement conservateur reste cependant l'Europe. Edward Heath y a attaché son nom. Devant les difficultés structurelles de la Grande-Bretagne, l'option européenne est, pour lui, une sorte de fuite en avant. Le climat intérieur n'est pourtant guère favorable : les sondages donnent des pourcentages dérisoires (27-30 %) aux partisans de l'entrée dans le Marché commun. La ménagère craint l'augmentation des prix, les travaillistes se montrent de plus en plus réservés à l'égard du continent ; même chez les conservateurs les défections sont nombreuses. Ni le déblocage de la négociation de Bruxelles en mai ni le sommet Heath-Pompidou ne provoquent le choc psychologique attendu. Bien au contraire. Les élections municipales, les élections partielles du mois de mai sont un désastre pour les conservateurs.

Inébranlable, Edward Heath va néanmoins de l'avant. Son négociateur à Bruxelles Geoffroy Rippon obtient lors de l'ultime réunion de Luxembourg le 22 juin les concessions qui rendent un accord possible sur les deux points encore en suspens : importations de produits laitiers de Nouvelle-Zélande et contribution financière à la Communauté. L'entrée de la Grande-Bretagne en Europe ne dépend plus que d'elle-même.

Le programme exposé par le Premier ministre aux Communes, le 17 juin, prévoit cependant un délai de trois mois de réflexion avant le vote définitif du Parlement. Le débat entre pro- et anti-Européens s'annonce très serré. Il se développe sur deux plans :
– l'opinion : elle reste en majorité hostile à l'adhésion bien que résignée à l'inéluctable. Deux faits diminuent cependant le poids de cette opposition : les positions sont qualitativement très nuancées : si dans les classes populaires on trouve 65 % d'opposants, le nombre des Européens au sommet de l'échelle sociale l'emporte (42 %) sur celui des adversaires de l'Europe (40 %). En particulier, la Confédération des Industries britanniques a toujours milité en faveur de l'entrée dans la CEE. Deuxièmement, la bataille, en ce dernier stade, est d'abord une bataille parlementaire dans laquelle l'opinion ne joue que par personne interposée.
– les partis : la grande inconnue reste l'attitude du parti travailliste. Les syndicats qui en constituent la clé de voûte sont fermement hostiles au Marché commun. Une large fraction du groupe parlementaire animée par James Callaghan, éternel rival de Harold Wilson, a rejoint leur camp. De l'autre côté, une centaine de députés, quelques leaders comme Roy Jenkins, Lord George Brown, James Stewart, tous deux anciens ministres des Affaires étrangères, maintiennent leur option européenne. Le congrès extraordinaire du parti convoqué pour le 17 juillet doit trancher.

Chez les conservateurs, l'unanimité est loin d'être acquise. Mais même sans faire jouer la discipline de vote, Edward Heath peut compter l'emporter. D'autant que le gouvernement entend lui aussi utiliser le délai de réflexion pour lancer une campagne de persuasion dont le coup d'envol devait être donné par un Livre blanc mettant en évidence les concessions acquises à Bruxelles et à Luxembourg, et les avantages attendus d'une entrée en Europe.

Décimalisation

Une date dans l'histoire des mœurs britanniques : le 15 février 1971. Ce jour-là, la livre sterling a cessé de valoir 20 shillings de 12 pence chacun. Le shilling est mort et la livre a revêtu l'habit décimal européen. Elle vaut désormais 100 pence (« p » et non plus « d » comme l'ancien penny). L'opération préparée avec précaution par le Decimal Currency Board depuis des années s'est effectuée sans panique : 67 % des Anglais ont déclaré que ce passage arithmétique ne leur posait pas de problème. Un délai de grâce de 18 mois — qui pourrait être raccourci — a été cependant accordé à l'ancienne monnaie, qui continue d'avoir cours concurremment avec la nouvelle. Coût de la décimalisation : 130 millions de livres soit environ 1 730 000 000 de francs.

Grèce

8 835 000. 67. 0,8 %.
Économie. PNB (68) 813. Production (66) : A 24 % + I 26 % + S 50 %. Énerg. (*68) : 1 017. C.E. (68) : 6 %.
Transports. (*68) : 1 333 M pass./km, 548 M t/km. (*68) : 169 100 + 96 900.  : 8 581 000 tjb. (*68) : 1 250 939 000 pass./km.
Information. (68) : 118 quotidiens. (68) : 985 000. (68) : *40 000. (68) : Fréquentation : 137,4 M. (68) : 761 550.
Santé (67). 12 839. Mté inf. (68) : 24,4.
Éducation (66). Prim. : 979 395. Sec. et techn. : 488 503. Sup. : 64 591.
Institutions. Monarchie sanctionnée par référendum populaire le 1er septembre 1946. Constitution de 1968 partiellement en vigueur, complétée par 15 lois institutionnelles le 5 janvier 1971. Souverain : Constantin XIII en exil ; vice-roi : général Zoïtakis. Premier ministre : Georges Papadopoulos.

L'affaire

Pendant une partie de l'été 1970, l'opinion hellénique se polarise sur un personnage auréolé du mythe de la puissance et de l'argent : l'armateur Stavros Niarchos. Dans l'île de Spetsopoula, sa propriété, l'épouse du milliardaire avait été trouvée morte, et les circonstances assez obscures de son décès déterminaient l'ouverture d'une enquête. Constantin Fafoutis, procureur du Pirée, instruit l'affaire, et, le 22 août, présente une demande d'inculpation de S. Niarchos. Dès lors, toute la Grèce se passionne pour ou contre l'armateur, selon qu'il est tenu pour innocent ou coupable. Derrière le drame, cependant, se profilent de grands enjeux. Cédant aux sollicitations de Nicolaos Makarezos, responsable de l'économie, Niarchos s'était engagé à investir 200 millions de dollars pour la création d'un complexe industriel. Mais, au sein, et à côté, du gouvernement, les sentiments sont partagés, et beaucoup estiment cette mise insuffisante. Va-t-on sacrifier Stavros Niarchos, ou le sauver ? Un non-lieu le dégagera des soupçons immédiats, non de la suspicion de certains.