Le rétablissement du cessez-le-feu sur le canal de Suez et, d'une manière plus générale, l'accalmie qui règne sur tous les fronts n'ont pas comme effet de réduire les dépenses militaires. Israël doit, au contraire, acquérir un matériel, de plus en plus onéreux, destiné à neutraliser ou à faire contrepoids à l'armement que livre l'Union soviétique à l'Égypte et à la Syrie. En raison de l'impasse diplomatique, les dirigeants de Jérusalem n'excluent pas la reprise des hostilités. C'est pourquoi le budget de la défense, dans l'exercice 1971-72, représente 40 % des dépenses globales de l'État et 30 % du produit national brut ; environ 25 % de la main-d'œuvre sont affectés, directement ou indirectement, à des tâches relevant de la défense nationale.

Malaise social

Les difficultés sociales ont tendance à se manifester avec plus de netteté, peut-être en raison de la paix relative qui règne sur les lignes de cessez-le-feu. Le nombre des grévistes s'élevait en 1967 à 25 000, à 42 000 en 1968, 44 500 en 1969, pour atteindre le chiffre de plus de 80 000 en 1970. La principale revendication formulée par les grévistes a trait aux salaires, qui, dans de nombreux cas, n'ont pas suivi la courbe du coût de la vie. Malgré l'accession au secrétariat général de l'Histadrout d'une personnalité aux opinions radicales, Itzhak ben Aharon, plus de la moitié des arrêts de travail, en 1970, n'ont été ni approuvés ni soutenus par la grande centrale ouvrière. Pourtant Itzhak ben Aharon ne s'était pas privé de dénoncer les « profiteurs de guerre » — banquiers, brasseurs d'affaires, grands entrepreneurs — qui, selon lui, s'enrichissaient au détriment des travailleurs. Toujours selon le secrétaire général de l'Histadrout, le pourcentage de la masse salariale par rapport au revenu national a baissé de plus de 10 % depuis la guerre des Six-Jours. En outre, le package deal conclu au début de 1970 entre le gouvernement, les employeurs et l'Histadrout, pour préserver la stabilité des prix, des salaires et des impôts, n'a pas donné les résultats escomptés.

Agitation

Les Israéliens d'origine orientale ou sépharades (d'Afrique et d'Asie), qui occupent davantage la base que le sommet de la pyramide sociale, sont particulièrement lésés par l'évolution du coût de la vie. En effet, 92 % des familles nombreuses, comprenant quatre enfants ou plus, appartiennent à la communauté sépharade. Ce facteur socio-économique, s'ajoutant à des griefs d'ordre politique, contribue à la naissance d'un mouvement contestataire dans la jeunesse qui prend le nom de Panthères noires et qui revendique quelque 3 000 membres. Bien qu'ils soient relativement peu nombreux, ces derniers parviennent à organiser des manifestations, au printemps de 1971, dont certaines se soldent par des affrontements très violents avec les forces de l'ordre.

Cependant, l'agitation ne porte atteinte ni à la popularité des dirigeants ni à la stabilité ministérielle. L'équipe de Golda Meir est assurée d'une majorité confortable à la Knesseth (le Parlement), malgré le passage aux bancs de l'opposition des députés appartenant au bloc nationaliste Gahal. Cette formation a décidé, en effet, le 4 août 1970, de retirer ses six représentants du gouvernement, après que celui-ci eut opté (le 31 juillet), à la majorité des voix, en faveur du plan Rogers. La principale objection que formulent les partisans de Menahem Begin à l'égard du projet de paix du secrétaire d'État américain a trait à l'avenir des territoires conquis par Israël en juin 1967 et que le Gahal souhaiterait — du moins en grande partie — voir rattacher à l'État juif.

Retrait

Le 4 août, Golda Meir tente de rassurer partiellement ses partenaires nationalistes. Elle déclare, dans une allocution prononcée devant la Knesseth, qu'Israël ne reviendra jamais aux frontières antérieures à la guerre des Six-Jours. Elle ajoute que la résolution 242 du Conseil de sécurité ne serait mise à exécution qu'une fois un accord conclu entre Israël et les États arabes sur tous les points litigieux. Ces assurances ont comme effet de diviser profondément le Gahal ; c'est par 117 voix contre 112 (et 2 abstentions) que le bloc nationaliste devait décider son retrait du gouvernement, au grand regret de Golda Meir, qui souhaitait conserver la cohésion du front national constitué le 1er juin 1967, à la faveur de la crise qui avait conduit à la guerre des Six-Jours.