L'œuvre illustre l'ampleur de la coopération entre l'Iran et l'URSS, cette dernière étant devenue la partenaire privilégiée de l'empire des Pahlevi. Le gazoduc transiranien, en effet, achemine vers l'Union soviétique 17 à 18 millions de mètres cubes de gaz naturel par jour, permet de développer l'industrialisation des républiques de Géorgie, d'Arménie et d'Azerbaïdjan, alimente sur son passage un grand nombre d'agglomérations iraniennes. Le gazoduc est long de 1 100 km et relie Ahwaz, près du golfe Persique, à Astara, sur la frontière soviétique.

Équilibre

L'Iran signe, début octobre, avec l'URSS un important accord économique, aux termes duquel les experts russes sont chargés d'explorer le sous-sol des provinces du nord et du centre ; l'accord prévoit encore la construction d'un deuxième gazoduc, qui doublerait lé débit du gaz vendu à l'URSS. Moscou s'engage à porter de 600 000 à 4 millions de tonnes la capacité de production de l'aciérie actuellement en construction dans la région d'Ispahan. Toujours selon cet accord, l'Iran vendrait une bonne partie de sa production agricole à l'URSS, triplant ainsi ses exportations vers son grand voisin du nord.

Cependant, par souci d'équilibre, le chah consolide ses relations avec les puissances occidentales et fait des ouvertures à la Chine populaire. À la mi-avril 1971, sa sœur jumelle, la princesse Ashraf, se rend à Pékin sur l'invitation de Chou En-lai. À la suite de l'accueil chaleureux qui lui est réservé, elle laisse entendre que les deux pays pourraient établir des relations diplomatiques dans un avenir assez proche.

La politique du chah à l'égard du monde arabe n'est pas non plus dépourvue d'adresse. Le conflit entre l'Iran et l'Irak au sujet de la ligne de démarcation entre les deux pays dans le Chatt el-Arab demeure, certes, entier. Il est vrai aussi que Téhéran rejette, le 24 juillet, la proposition de Bagdad de faire appel à l'arbitrage de la cour internationale de La Haye. Mais le chah ainsi que ses ministres ne cessent de répéter (alors que les autorités iraniennes contrôlent le Chatt el-Arab) qu'ils sont tout disposés à négocier « à n'importe quel moment » un nouveau traité réglant le litige frontalier.

Parallèlement, le gouvernement de Hoveyda profite de la tension qui se développe entre l'Irak et l'Égypte durant l'été 1970 à propos du plan Rogers pour renouer avec le régime du président Nasser. Le 29 août. Le Caire et Téhéran annoncent leur décision de rétablir leurs relations diplomatiques, rompues dix ans plus tôt.

Les rapports sont d'autant plus chaleureux entre les deux capitales que le chah cautionne pleinement l'interprétation égyptienne de la fameuse résolution 242 du Conseil de sécurité.

Retrait britannique

L'Iran tient par-dessus tout à faire valoir ses droits dans le golfe Persique. Il s'oppose vigoureusement au maintien des forces britanniques dans la région au-delà de décembre 1971, rejette (juillet 1970) une proposition irakienne concernant la création d'une organisation de défense arabe appelée à se substituer aux troupes anglaises, réitère, à la mi-février 1971, ses revendications sur les îles de Tumb (la grande et la petite) ainsi que sur celle d'Abou Moussa. Le chah laisse entendre qu'il pourrait éventuellement avoir recours à la force pour faire valoir ses droits sur ces minuscules territoires qui commandent l'entrée du golfe Persique.

En prévision du retrait britannique de la région, l'Iran entend se doter d'une puissante armée. Début juillet, Téhéran passe commande à la British Aircraft Corporation (BAC) pour 621 millions de francs de divers modèles de fusées offensives. Les crédits militaires dans le budget d'État de 1971-72, 30 % plus élevés que ceux de l'année précédente, atteignent le chiffre de 5,8 milliards de francs, soit environ un sixième de l'ensemble des dépenses (35 milliards de francs).

Plus que d'hypothétiques menaces étrangères, les autorités se préoccupent de l'agitation qui se développe dans les milieux estudiantins et ouvriers. Début mai 1971, la gendarmerie se sent obligée d'ouvrir le feu sur quelque 2 000 travailleurs qui manifestent à Karadj (40 km de Téhéran) pour obtenir une augmentation de salaires ; 3 personnes sont tuées et 12 blessées. Les troubles qui éclatent en décembre à l'université de Téhéran conduisent à la fermeture de certaines facultés et à de nombreuses arrestations. Des émeutes se produisent dans divers établissements scolaires en mars (à l'occasion de l'anniversaire de la mort de l'ancien Premier ministre Mossadegh) et se prolongent durant le mois d'avril.

Guérilla

Le plus inquiétant pour le régime est l'apparition d'une sorte de guérilla urbaine. Le 17 décembre, un car de l'armée tombe dans une embuscade : un soldat est tué et les agresseurs parviennent à prendre la fuite. Le 23, les autorités annoncent qu'elles ont étouffé dans l'œuf une conjuration à laquelle avaient participé des « éléments communistes prochinois », partisans de la lutte armée. Au printemps, plusieurs commissariats et postes de police sont attaqués par des groupes armés. Le 7 avril 1971, le chef de la justice militaire, le général Zia Farsiou, est grièvement blessé par des inconnus ; il succombe à ses blessures quelques jours plus tard. Le 15, puis le 25 avril, les auteurs présumés de l'assassinat sont tués successivement au cours de batailles rangées avec la police, qui tentait de les arrêter.