Le 20 juillet, le président laisse entendre, au cours d'une conférence de presse, qu'il opposera son veto à tout texte imposant des quotas sur des marchandises étrangères autres que les textiles, dont les importations ont doublé tous les deux ans depuis 1964. Dans l'esprit de Nixon, le protectionnisme ne peut qu'accroître le chômage et l'inflation, ces deux maux dont l'Amérique a déjà tant de mal à se débarrasser.

Le 12 octobre, William Rogers adresse une mise en garde en ce sens devant le Sénat. Le 20 novembre, la proposition de loi limitant les importations de textiles artificiels et de chaussures est adoptée par la Chambre des représentants. Elle suscite aussitôt de nombreuses protestations à l'étranger. Plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne et l'Espagne, n'écartent pas la possibilité de représailles. Le 11 décembre, le président exprime une fois de plus son hostilité à l'introduction de quotas sur les importations de produits autres que les textiles, mais souligne que, sur ce dernier point, les négociations avec le Japon ne progressent pas de façon satisfaisante.

Des voix autorisées rappellent à ce propos que les poussées protectionnistes, sans être entièrement justifiées, peuvent s'expliquer par le fait que les partenaires commerciaux des États-Unis ne jouent pas suffisamment le jeu du libre-échange : si les exportations japonaises s'accroissent en direction des États-Unis à un rythme soutenu, affirme-t-on dans les milieux proches de la Maison-Blanche, c'est parce que la CEE leur oppose de sérieuses restrictions. Les six pays du Marché commun, ajoute-t-on, portent également préjudice au commerce américain en concluant de nombreux accords préférentiels spéciaux.

Message sur l'état de l'Union

« Nouvelle révolution américaine » : c'est l'étiquette sous laquelle le président Nixon a soumis au Congrès, le 22 janvier, dans son troisième message annuel sur l'état de l'Union, un vaste plan de réformes administratives et sociales. Le programme que le chef de l'État demande aux parlementaires d'approuver prévoit :
– une réforme de l'administration fédérale, et notamment la création de quatre grands ministères, dans lesquels seraient refondus les départements de l'Intérieur, du Travail, du Commerce, de l'Agriculture, des Transports, du Logement et de l'Urbanisme, de l'Éducation et de la Santé ;
– une réforme du régime actuel de l'assistance sociale ;
– un budget en expansion ;
– de nouvelles mesures pour la protection de l'environnement ;
– l'amélioration de la santé publique ;
– la répartition des ressources fiscales entre le gouvernement fédéral et les États.

Pour protester contre « le refus du président d'entendre les revendications et de tenir compte des inquiétudes des Américains de race noire », les douze membres de couleur de la Chambre, tous démocrates, avaient décidé de ne pas assister à la lecture du message présidentiel.

SST

Une autre affaire va accuser les divergences qui existent entre le chef de l'exécutif et le Congrès : celle de l'avion de transport supersonique, le SST. Après de laborieuses négociations et de multiples navettes entre les deux assemblées, la Chambre des représentants (par 215 voix contre 204), le 18 mars, et le Sénat (par 51 voix contre 46), le 24 mars 1971, refusent de voter les 134 millions de dollars nécessaires à la mise au point de l'appareil. Le 12 mai, par 201 voix contre 197, la Chambre basse revient sur sa décision. Mais une semaine plus tard, le Sénat confirme la sienne par 58 voix contre 37.

Les partisans du projet, soutenus par Nixon, n'avaient pourtant pas ménagé leurs efforts, et leurs avertissements avaient de quoi faire réfléchir les hésitants : « Si vous voulez provoquer le renvoi immédiat de 13 000 ouvriers, s'était notamment écrié à la Chambre basse le leader de la minorité républicaine, Gerald Ford, si vous voulez supprimer 150 000 emplois dans les dix prochaines années, si vous voulez assurer la domination de l'Union soviétique, de l'Angleterre et de la France sur le marché aérien pendant vingt ans, vous n'avez qu'à voter contre le SST. »