Journal de l'année Édition 1971 1971Éd. 1971

La meilleure solution consisterait à définir, entre l'État, les patrons et les syndicats, une politique des prix et des revenus compatible avec les équilibres économiques. Mais les relations, qui ne sont jamais sereines entre ces trois groupes, ont plutôt tendance à se durcir qu'à s'assouplir. La création (au printemps 1971) de nouvelles taxes pour la formation professionnelle et les transports parisiens a déplu au patronat. Le durcissement des pouvoirs publics dans les conflits Renault et SNCF a laissé des traces à la CGT et à la CFDT, qui cherchent une revanche. À dix-huit mois des élections législatives, la concertation est plus difficile que jamais.

Au fond, l'inflation n'est rien d'autre que l'expression extérieure de l'incompatibilité entre les décisions, ou les aspirations, des différents agents de la vie économique. Si elle s'est accentuée au cours des dernières années, c'est précisément parce que cette incompatibilité s'est aggravée. Tout rapprochement, si modeste soit-il, entre les comportements des uns et des autres se traduirait par une détente sur le taux d'inflation. C'est vrai pour les rapports entre les groupes comme pour les rapports entre les pays. De ce point de vue, les vicissitudes monétaires de la Communauté européenne après la décision des Allemands de laisser flotter le mark, en mai 1971, constituent une déception. On ne se bat pas seul contre la nouvelle inflation.

Monnaie

Crise du mark et problème du dollar

La situation monétaire internationale a été caractérisée, de juin 1970 jusqu'à avril 1971, par une diminution continue des taux d'intérêt, aussi bien à court qu'à long terme, tant sur le marché monétaire américain que sur le marché de l'eurodollar et sur celui des euro-obligations. Le taux des bons du Trésor américains à trois mois à l'émission était supérieur à 7 % au 30 juin 1970. Il était tombé à 3,30 % en mars 1971. Le taux du rendement des obligations industrielles, qui avait atteint 9,5 % en juin 1970, était tombé en mars 1971 à 7,25 %. Enfin le taux des eurodollars à trois mois à Londres, qui était encore de 9,5 % en juin 1970, était descendu au-dessous de 5,5 % en mars 1971.

La cause unique de ces diminutions spectaculaires des trois taux d'intérêt directeurs a été la politique monétaire pratiquée aux États-Unis à partir de juin 1970. Après la crise boursière très grave de fin mal 1970 — crise boursière qui avait amené l'indice Dow-Jones aux environs de 630, contre 980 en mai 1969 —, le Fédéral Reserve System a modifié sa politique monétaire dans un sens nettement expansionniste. Surtout, il prit la décision capitale de relever le taux plafond de rémunération des dépôts à terme par les banques.

Détente des taux

Or, c'était la fixation à un niveau très bas de ce taux plafond qui avait le plus durement éprouvé les banques et qui avait provoqué la crise de liquidité. Au milieu de juin 1970, le taux plafond fut relevé, voire supprimé pour certains dépôts. Immédiatement les banques américaines connurent de nouveau l'aisance, et les taux d'intérêt se détendirent. Il est intéressant de noter que c'était pour échapper à la pénurie de liquidités, résultant du taux limite imposé sur la rémunération des dépôts à terme, que les grandes banques de New York avaient été conduites à rechercher le maximum de ressources en eurodollars.

Pour ce faire, elles avaient demandé à leurs filiales européennes d'emprunter des eurodollars et de les prêter à la maison mère. Ce sont ces emprunts des banques américaines sur le marché de l'eurodollar qui avaient porté les taux de celui-ci au niveau extrêmement élevé (12 %) des troisième et quatrième trimestres 1969. L'année 1970 a amené à la fois une diminution de l'endettement des banques américaines sur l'eurodollar et la diminution corrélative du taux d'intérêt sur ce marché.

De plus, l'expansion extrêmement modérée de l'économie américaine au cours du troisième trimestre 1970, puis la franche récession provoquée par la grève de la General Motors en septembre 1970 amenaient une diminution des demandes de crédit — ce qui contribuait à atténuer les pressions sur les taux d'intérêt.