Journal de l'année Édition 1970 1970Éd. 1970

Mais l'intervention au Cambodge a porté la guerre à ses frontières. Les maquisards procommunistes (estimés à 5 000 hommes) ont joint leurs forces à celles du Viêt-cong et de l'armée Sihanouk, pour entretenir dans le nord et l'est du pays une insécurité croissante. Tout au long des mois de mai et juin, le gouvernement thaïlandais, en dépit des appels de Lon Nol, est resté prudent. Il a mis son armée en état d'alerte, a donné son accord pour les livraisons d'armes, a accepté que des volontaires aillent combattre au Cambodge, mais s'est gardé de s'engager à fond dans l'entreprise. Certains se demandent toutefois si les Thaïlandais pourront conserver longtemps cette attitude et si, de toute façon, l'axe Bangkok-Phnom Penh-Saigon (dont les Américains — dit-on — avaient rêvé en intervenant au Cambodge) n'est pas sérieusement compromis.

Viêt-nam du Sud

Les succès de l'armée sud-vietnamienne au Cambodge ont quelque peu éclipsé la réalité sud-vietnamienne. Paradoxalement, ils ont en même temps consolidé et effrité la position du chef de l'État, le général Thieu.

À la fin de l'année 1968-69, les Américains, las de l'obstruction systématique de Thieu à leurs projets de désengagement, las des rivalités et des contradictions des différents leaders du Viêt-nam du Sud, avaient envisagé la création d'un gouvernement à tendance neutraliste.

Or, en un an, le chef de l'État est parvenu à renverser ou à redresser la situation en sa faveur, éliminant les uns après les autres ses adversaires politiques et créant un régime qui ne tolère aucune opposition. Dans cette perspective, la vietnamisation de la guerre et l'intervention au Cambodge, où les troupes gouvernementales se sont révélées plus efficaces qu'on ne s'y attendait, ont renforcé le régime instauré par Thieu.

Mais cette extension de la guerre (alors qu'à la fin de l'année précédente les chances de paix paraissaient plus grandes) a réveillé l'opposition. Étudiants et bouddhistes, suivis par quelques syndicats ouvriers, ont engagé la lutte contre Thieu. Elle n'a pas encore pris une forme bien marquée, mais le président sud-vietnamien sera, à plus ou moins long terme, obligé d'en tenir compte.

Sur le terrain, au fur et à mesure du départ des troupes américaines, les troupes sud-vietnamiennes prennent la relève. Il n'y a pas eu de grandes opérations analogues à celles des années passées. Mais le Vietcong et les Nord-Vietnamiens ont multiplié, notamment en mai et juin, les attaques surprises, les embuscades, les coups de main et les actions terroristes.

Ho Chi Minh

« Durant toute ma vie, j'ai servi de tout mon cœur et de toutes mes forces la patrie, la révolution et le peuple. Maintenant, si je devais quitter ce monde, je n'ai rien à me reprocher. Je regrette seulement de ne pouvoir servir plus longtemps et davantage. Après ma mort, il faut éviter d'organiser de grandes funérailles, afin de ne pas gaspiller le temps et l'argent du peuple. »

Le 10 mai 1969, presque quatre mois avant sa mort (3 septembre 1969), Ho Chi Minh mettait le point final à son testament politique. Il avait soixante-dix-neuf ans. Mais l'âge compte-t-il pour un homme comme lui ? À travers les lignes de son testament, on retrouve cette passion et cette douceur, cet orgueil et cette humilité, cette volonté de fer et cette soumission au réel qui firent le révolutionnaire et le patriote et qui toujours fascinèrent ses interlocuteurs.

Ho Chi Minh (« celui qui éclaire ») est né dans le Nord-Annam. Une famille pauvre, où déjà on parle de politique et où l'on rêve d'un monde plus juste. De brèves études arrêtées à vingt ans et le départ pour la France à bord d'un bateau où il s'est engagé comme boy. Mais ce n'est qu'en 1917, à Paris, que le jeune Annamite commence sa carrière proprement politique. Il a découvert Marx et les socialistes : il devient communiste. Il est révolutionnaire et, certes, la révolution ne peut être qu'internationale, mais pour un Vietnamien la libération du prolétariat passe d'abord par la décolonisation de son pays.