Journal de l'année Édition 1970 1970Éd. 1970

– Les Américains ne croient plus à l'efficacité des réunions de Paris : le 20 novembre 1969, Cabot Lodge, chef de la délégation, démissionne. Son poste reste vacant jusqu'au 1er juillet ; David Bruce le remplace.

– Les Sud-Vietnamiens, qui avaient été les adversaires les plus résolus de la conférence de Paris, en sont aujourd'hui les participants actifs. Plus les négociations traînent, plus elles leur permettent de durcir leur position et de discuter d'égal à égal avec Hanoi.

– Les Nord-Vietnamiens veulent amener les Américains à de nouvelles concessions sans commune mesure avec celles qu'ils sont obligés de faire. Ils les ont obligés à arrêter les raids sur le Nord et à ouvrir les négociations au FNL ; ils espèrent que Washington finira par accepter leurs exigences.

– Le Front national de libération observe la même attitude qu'Hanoi, comptant sur la lassitude ou l'écœurement de l'opinion publique américaine devant cette guerre qui n'en finit pas de finir.

Aucun accord, dans ces conditions, n'est possible, à moins que l'intervention au Cambodge ne fasse éclater la négociation de Paris et réunir une conférence d'ensemble sur l'Indochine.

Cambodge

C'est un pays déchiré. Le fragile équilibre que le prince Sihanouk avait plus ou moins maintenu durant des années est définitivement rompu. Le gouvernement Lon Nol ne peut faire face seul à la situation. Les effectifs de l'armée khmère sont trop faibles, son équipement trop disparate et trop ancien pour qu'il puisse espérer tenir tête aux forces procommunistes malgré la mobilisation générale décrétée le 25 juin 1970. Ses alliés (le Viêt-nam du Sud et la Thaïlande) lui ont promis une aide, mais il est douteux qu'elle soit suffisante. D'autre part, Sihanouk, en créant à Pékin un gouvernement rival susceptible de s'installer en territoire cambodgien dans les zones contrôlées par ses partisans, peut accroître encore son influence. Sans que l'on sache exactement ce que représente le front de libération créé par l'ancien chef de l'État, on peut penser qu'il constitue une force réelle rompue aux techniques de la guérilla.

Laos

L'intervention américaine au Cambodge a d'une certaine manière rompu également l'équilibre laotien, déjà fort menacé (Journal de l'année 1968-69). Au cours de l'été 1969, le prince Sihanouk (pour faire des concessions à la droite) avait fermé le port de Sihanoukville à l'acheminement des armes pour le Viêt-cong, ce qui avait conduit à un renforcement des différentes voies de la piste Ho Chi Minh. Mais à partir du moment où les Américains et les Sud-Vietnamiens détruisaient les sanctuaires vietcongs au Cambodge et démantelaient les arrivées de la célèbre piste, les communistes se trouvaient contraints de mettre en œuvre de nouvelles communications et de nouvelles bases. Le Laos est devenu une des régions clefs de cette stratégie. Le Pathet Lao du prince Souphanouvong et ses alliés vietcongs et nord-vietnamiens ont jeté dans la balance tout le poids de leurs forces. En occupant, le 30 avril, Attopeu, puis, le 9 juin, Saravane (repris quelques jours plus tard par les troupes gouvernementales), en contrôlant la vallée du Mékong, en prenant pied sur le plateau des Bolovens, ils ont reconstitué, à l'ouest de la piste Ho Chi Minh, des liaisons et des bases qui constituent la prolongation de leurs opérations au Cambodge.

Les raids américains au Laos se multiplient, mais seule — semble-t-il — une offensive terrestre permettrait de venir à bout de ces nouveaux sanctuaires. Ni les Américains ni les Sud-Vietnamiens ne sont prêts à se lancer dans une telle aventure, ne serait-ce que pour des raisons politiques. En dépit des combats, le chef du gouvernement laotien, le prince Souvana-Phouma (neutraliste), et son demi-frère ennemi, le prince Souphanouvong, conservent le contact.

Thaïlande

Allié le plus fidèle, le plus sûr, le plus compréhensif des États-Unis dans le Sud-Est asiatique, la Thaïlande est aujourd'hui partagée entre son désir de s'engager effectivement au Cambodge aux côtés des Américains et des Sud-Vietnamiens et la crainte d'être entraînée dans une guerre qui jusque-là a épargné son territoire. L'aide économique et militaire de Washington, les puissantes bases américaines (d'où partent les B-52 qui pilonnent le Viêt-nam, le Cambodge et le Laos) avaient permis à la Thaïlande de vivre dans la paix.