Le ministre prescrit une série de recommandations pratiques : depuis la suppression des « corvées à l'utilité douteuse » et souvent injustement attribuées jusqu'à l'amélioration des locaux encore vétustés ou inconfortables, en passant par la nécessité pour le chef de s'entretenir régulièrement avec tous ses subordonnés et « d'accepter leurs remarques même si leur expression n'est pas modérée ».

Un Conseil supérieur

On retrouve cette volonté de dialogue dans la loi du 21 novembre 1969 créant un Conseil supérieur de la fonction militaire. Cet organisme, que président le ministre de la Défense et, éventuellement, le chef de l'État, doit permettre en principe aux militaires d'active, par l'intermédiaire de représentants désignés, de donner aux autorités gouvernementales leur avis sur les différents aspects de leur condition.

À l'origine, le projet prévoyait que les membres de ce conseil seraient désignés par tirage au sort, de telle sorte que soient représentées les diverses catégories de personnel, et qu'ils siégeraient avec voix délibérative. Le conseil comprendra, en outre, avec voix consultative, des représentants de l'Administration, ainsi que des personnalités choisies par le ministre. Le Conseil se réunit au moins une fois par an pour donner son sentiment sur des questions relatives à la condition et au statut des personnels militaires, tout ce qui touche à l'organisation et à l'emploi de la force armée étant exclu de sa compétence.

Mais les députés ont estimé qu'il fallait autoriser des associations de personnels militaires en retraite à prendre part aux travaux du Conseil avec voix délibérative. La loi du 21 novembre 1969 tient compte de cet amendement.

L'une des premières tâches du Conseil sera sans doute d'étudier les causes de la désaffection pour les carrières militaires et d'y porter remède. Si le nombre des engagés pour deux à cinq ans, dans les trois armées, a progressé de 20 % en 1969 (26 900 contrats à long terme, contre 22 300 en 1968), en revanche les écoles d'officiers ont du mal à recruter et à conserver leurs élèves. À Polytechnique, par exemple, dans la promotion qui est entrée en 1967 et qui a achevé ses études en 1970, un seul élève officier a décidé de faire carrière dans les troupes de marine et 25 autres, seulement, seront ingénieurs de l'armement. En mai 1970, Michel Debré a d'ailleurs tiré les conséquences de cet état de choses en proposant de transformer Polytechnique en un établissement public autonome, qui aura pour principale vocation de former les futurs cadres de la nation dans les domaines de la technique et de l'industrie, et en ouvrant à des candidates féminines le concours d'entrée dans les prochaines années.

La réforme de Polytechnique

Ainsi Polytechnique aura la personnalité morale et l'autonomie administrative. Le statut militaire des élèves officiers de réserve sera maintenu. Établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Défense, avec un conseil d'administration et un officier général comme directeur, l'école aura son patrimoine propre, pourra recevoir des dons et conclure des contrats de recherche au profit de ses laboratoires. Elle établira librement son budget. Enfin, un décret du 16 avril 1970 dispense certains polytechniciens — qui consacreront dix ans d'activité à la recherche scientifique et technique ou au service de l'État — de rembourser leurs frais de scolarité. L'ensemble de ces dispositions entrera en vigueur au moment du transfert de l'école de Paris à Palaiseau (Essonne), prévu pour 1974.

Mais bien d'autres réformes, amorcées par P. Messmer, ont été reprises et appliquées par le nouveau ministre. Placé à la tête d'une administration qui ne compte pas moins de 570 000 personnes sous les drapeaux et 140 000 travailleurs civils, Michel Debré a aussitôt confié à Bernard Tricot le soin de réorganiser le ministère de la Défense. Celui-ci a été chargé, en décembre, de réduire le double emploi et les activités parallèles au sein de l'administration centrale, de recommander éventuellement le transfert hors de Paris de certains services des armées et de mieux fixer les missions des différents commandements territoriaux ou opérationnels.