Un compromis intervient cependant en raison de l'irritation croissante des gouvernements africains devant ce tribalisme blanc.

Aux termes d'une clause complexe, tout gouvernement pourra adhérer à l'Agence, sous réserve de l'accord de l'État souverain dont il relève. Le budget pour les mois restant à courir en 1970 est arrêté à 2 millions de francs. Celui de l'année 1971 est fixé à 9 millions de francs, trois fois moins que la somme proposée initialement par J.-M. Léger. Paris en financera 45 %, le Canada 33 %, la Belgique 10 %, et le reste sera à la charge des autres membres.

Vingt et un des trente-quatre États invités adhèrent à l'Agence. Le Laos et le Congo-Kinshasa, où certains États africains souhaitaient installer le siège de l'organisation, se contentent de demander un statut de membre associé. Le Liban et le Maroc réservent leur signature. Parmi les États invités, mais non représentés, on remarque la Guinée et l'Algérie ; depuis longtemps les Algériens ont affirmé qu'ils ne voient pas de raison d'institutionnaliser une communauté linguistique dont, par ailleurs, ils ne nient pas les effets bénéfiques. Le gouvernement français considère qu'il ne lui appartient pas d'exercer des pressions sur les pays réticents et s'est toujours gardé de faire de leur adhésion un préalable à l'octroi de son aide. La Suisse décline les invitations dès 1969, déclarant qu'elle ne « saurait prendre part à une conférence internationale qui vise à ne promouvoir qu'un seul de ses idiomes ». D'autres défections s'expliquent par la situation internationale. On voit mal un représentant de la République démocratique du Viêt-nam siéger à côté d'un délégué de Saigon et l'envoyé du Cambodge doit quitter précipitamment Niamey en raison des événements survenus dans son pays.

Un phénomène politique

Malgré ces absences, les arrière-pensées politiques des présents et ses moyens amputés (finalement, la participation française représente 0,6 % de l'aide bilatérale consentie par Paris), l'Agence a le mérite d'exister. J.-M. Léger, confirmé dans ses fonctions, réunit, le 18 juin, le Conseil d'administration au siège de l'organisation, qui demeure installée à Paris. À l'ordre du jour, l'examen du premier programme d'action ; moins ambitieux que le projet présenté par le secrétaire exécutif provisoire à Niamey, il n'en ouvre pas moins de réelles perspectives d'échanges et de coopération.

Finalement, le succès de l'Agence dépendra de l'usage qui en sera fait plus que de la rédaction de ses statuts, et ses moyens peuvent augmenter en cas de réussite. Les controverses qui ont marqué la naissance de cette institution montrent, en tout cas, que la francophonie a cessé d'être un simple thème de discours académiques pour devenir un phénomène politique.

Les états membres de l'agence

Belgique, Burundi, Cameroun, Canada, Côte-d'Ivoire, Dahomey, France, Gabon, Haute-Volta, Luxembourg, Madagascar, Mali, île Maurice, Monaco, Niger, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo, Tunisie, Viêt-nam du Sud.