La dévaluation d'une monnaie ne constitue pas, toutefois, le remède miracle qui se suffit à lui-même. Ratifiant une dépréciation de fait, elle est accompagnée d'un certain nombre de mesures susceptibles d'en conserver le bénéfice en relançant l'économie dans l'équilibre. L'austérité est ainsi de rigueur pour le convalescent et les conditions du crédit sont rendues particulièrement sévères. Pour une voiture particulière, le versement au comptant atteint la moitié du prix et le remboursement s'effectue sur quinze mois seulement. Attendues pendant près d'un mois, ces mesures d'accompagnement restent cependant très classiques, évitant les éléments exceptionnels un moment redoutés par la Bourse, dont les cours sont entre-temps revenus aux niveaux pratiqués à la veille de la dévaluation.

D'autres sujets de préoccupation apparaissent cependant, au premier rang desquels viennent le climat social de la rentrée, l'évolution des prix et la situation monétaire internationale à l'approche des élections allemandes auxquelles reste subordonnée une éventuelle réévaluation du Deutsche Mark. Le principe de la levée du secret bancaire est même un moment posé à l'Assemblée nationale (amendement Souchal) devant les transferts de capitaux à l'étranger, tandis que le franc reste faible sur les marchés des changes et le prix du dollar-titre élevé à Paris.

Soutenir l'intérêt

Cela n'empêche pas de voir se développer un mouvement de hausse sur un nombre limité de valeurs qui monopolisent l'essentiel des transactions. Engagé depuis plusieurs années, le vaste processus de concentration de l'industrie française s'accélère. Qui plus est, la technique encore récente de l'offre publique d'achat (OPA) constitue le levier idéal pour soutenir l'intérêt et développer les passions du marché.

Si l'annonce, dès le mois de juillet, du rapprochement définitif de Saint-Gobain et de Pont-à-Mousson — dont le principe était escompté — ne s'est finalement traduite que par une baisse des valeurs intéressées, notamment Pont-à-Mousson, dont l'opération a affecté la cote d'amour, il en va tout autrement quand s'élargissent ultérieurement les marchés de Genvrain, Perrier, Antar, les Compteurs, l'Européenne de Brasseries, la Dynamite, la Banque de l'Indochine ou la Paternelle.

Nouveaux regroupements

L'offre publique d'achat que fait ainsi le groupe Perrier aux actionnaires de Genvrain cède rapidement la place, sur le marché financier, à une lutte de majorité pour le contrôle du grand groupe laitier avant qu'un accord général entre les parties intéressées rende ce combat sans objet. Pendant plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, d'autres situations mûrissent.

Antar passe finalement sous le contrôle du groupe Elf-Erap à l'occasion d'une offre d'achat lancée sur Socantar, son principal actionnaire, cette opération n'étant pas sans profondément affecter les actionnaires minoritaires d'Antar qui avaient cru pouvoir bénéficier de l'intérêt porté à leur société. Les Compteurs sont pareillement l'objet d'une offre d'échange faite par le groupe international Schlumberger, offre autorisée en raison, peut-être, de l'origine française de son initiateur.

À l'inverse, et bien que sa majorité de contrôle soit déjà belge, la cession de Jeumont-Schneider au groupe américain Westinghouse se voit opposer un refus sans appel. La société n'étant pas cotée en Bourse, l'affaire n'est perçue, sur le marché financier, qu'au niveau, très atténué, de ses actionnaires Schneider et Jeumont. Dans la recherche d'une solution française, deux candidats se portent acquéreurs — les groupes Compagnie générale d'électricité et Électromécanique —, entre lesquels le choix définitif n'est pas encore fixé en juin.

Réveil de la sidérurgie

L'une des opérations les plus importantes est cependant due, un an exactement après l'affaire BSN-Saint-Gobain, à une nouvelle initiative d'Antoine Riboud, président de BSN. Le groupe verrier, dont les intérêts dans le secteur alimentaire sont déjà appréciables avec Évian et les aliments infantiles, prend, en effet, simultanément le contrôle de l'Européenne de Brasseries et de Kronenbourg, devenant du même coup le premier brasseur du Marché commun... et jetant la confusion dans une profession où la concentration devient l'impératif no 1. Trop longtemps différée, cette restructuration du secteur alimentaire est également illustrée par de nombreux autres exemples, dont certains marquent une intéressante tentative de diversification, sous l'égide de la Générale alimentaire ou de Gervais-Danone notamment.