Parmi les changements de présentation, on relève l'évolution de France-Soir vers les éditoriaux (quelquefois en première page), vers davantage de grands reportages et d'enquêtes ; l'Aurore a aéré sa première page, changé ses caractères, institué un sommaire, revisé le classement de ses rubriques, etc. ; la presse périodique communiste a fait peau neuve, modifiant le format et la formule de France nouvelle, hebdomadaire du Comité central, supprimant son organe mensuel pour les jeunes Nous les garçons et les filles, pour le remplacer par l'Avant-Garde, etc. De son côté, tandis que disparaissait, après cinquante ans d'existence, le Populaire, organe du parti socialiste, le quotidien gaulliste la Nation passait de quatre à huit pages. L'une des tentatives suivies avec le plus d'attention et, au début, de crainte dans les milieux de presse est le lancement par Sylvain Floirat du magazine mensuel Un jour, tiré à près de 3 millions d'exemplaires et distribué gratuitement, tout son financement étant assuré par la publicité ; l'expérience a fait long feu — sans doute en vertu du principe que ce qui ne coûte rien ne vaut rien — et Un jour, après avoir dû interrompre sa publication, a été pour moitié acquis par une grande société de vente par correspondance (la Redoute de Roubaix), pour être transformé et désormais vendu au numéro ou par abonnements. Le foisonnement des périodiques spécialisés qui s'insèrent mieux dans le développement de l'audio-visuel, qu'ils complètent, est, en revanche, remarquable.

On n'en finirait pas d'aligner les aménagements techniques, les ententes, les concentrations, les bouleversements que la pression des nécessités commerciales a ainsi imposés en cette seule année à la presse écrite, condamnée à se transformer pour se développer ou parfois simplement pour survivre. Cependant, d'autres débats et d'autres causes d'agitation ont également marqué ces douze mois dans ce secteur.

La liberté d'expression

Les controverses sur la liberté d'information et d'expression ont été relativement limitées. Si on a souvent entendu critiquer l'érotisme croissant de certaines publications ou de certaines publicités, la mise au cause visait davantage l'édition, la censure du livre, que les journaux. Quelques procès en diffamation — contre le Canard enchaîné notamment — et une intervention judiciaire du président de la République, dont la photo avait été indûment utilisée dans une campagne publicitaire, ont un moment défrayé les conversations. Les discussions ont été vives au sujet de la vente « à la criée » sur les marchés de certains organes politiques gauchistes, ventes qui ont donné lieu à des incidents parfois violents, parfois systématiquement recherchés par les diffuseurs de cette presse. Un hebdomadaire gauchiste, la Cause du peuple, organe trotzkyste, teinté de maoïsme et le plus violent de tous, a été l'objet de nombreuses saisies et deux de ses directeurs-gérants successifs, Le Bris et Le Dantec, ont été arrêtés, inculpés, écroués et condamnés. C'est alors que, symboliquement et tout en précisant qu'il assumait les articles et non les actes du mouvement de la Gauche prolétarienne, partisan de la violence, Jean-Paul Sartre a pris leur place comme responsable de la publication. Mais c'est beaucoup plus sur l'ORTF qu'ont porté les discussions relatives à l'objectivité de l'information.

L'affaire du « Figaro »

La presse écrite a continué d'être travaillée par le difficile problème du contrôle des journaux par ceux qui les font. Les sociétés de rédacteurs, organisées en Fédération nationale, ont tenu leur assemblée annuelle en décembre 1969, avec la représentation de trente-deux rédactions et ont réclamé l'adoption rapide d'un statut de l'information.

Cette revendication a été renouvelée avec éclat à l'occasion d'un conflit qui s'est élevé entre les journalistes et les directions ou propriétaires de la presse quotidienne parisienne. Après des négociations bientôt interrompues, puis reprises et rompues de nouveau, ainsi que diverses démonstrations symboliques, les journalistes, à l'appel de tous leurs syndicats (CGT, CFDT, FO et autonomes), ont observé une grève de vingt-quatre heures le 16 mars et aucun quotidien parisien n'a paru ce jour-là, bien que ce soit le lendemain du second tour des élections cantonales. Un compromis portant sur les salaires, la durée du travail, la retraite, etc., a mis provisoirement un terme à la querelle, qui avait trait aussi aux problèmes de fond de la profession.