Éducation

L'époque des premiers bilans

Écoliers, lycéens, étudiants, professeurs, parents : plus de 25 millions de Français sont concernés directement par les problèmes scolaires et universitaires. La prise de conscience consécutive aux événements de mai et juin 1968 avait provoqué un gigantesque mouvement d'intérêt pour les problèmes scolaires et s'était traduite par un bouillonnement d'idées. Qu'en reste-t-il après deux années ?

Pour les uns, tout est redevenu comme avant. Pour les autres, tout a changé. En fait, l'année scolaire 1969-70 a permis aux responsables de l'éducation nationale, aux dirigeants des divers syndicats ou associations de parents et d'étudiants, de marquer un temps d'arrêt et de réflexion. Après le lancement des réformes est venue l'époque des premiers bilans.

Les optimistes se plaisent à souligner que si tout n'avance pas aussi vite qu'on l'avait espéré il faut tenir compte de la résistance au changement de la société française que le temps seul pourra vaincre. Pour les pessimistes, l'impulsion donnée par Edgar Faure a été stoppée de manière définitive.

Une convalescente

Une constatation s'impose au-delà des polémiques : après s'être passionnés quelques mois pour la participation et les questions scolaires et universitaires, beaucoup de Français s'en sont détournés. L'agitation larvée et diffuse de l'année 1969-70, n'a pas ranimé leur intérêt. Mais le retour à un ordre relatif ne résoud pas les problèmes.

À peine relevée d'une maladie que certains jugeaient mortelle, l'université française reste une convalescente fragile. La lenteur de la mise en place des nouvelles universités n'a pas contribué à hâter sa guérison. Certains ont argué de ces retards pour mettre en question la loi Faure et condamner les principes de l'université de demain : autonomie, démocratie dans les conseils, représentation jugée excessive des étudiants.

Opposants traditionnels

Le ministre de l'Éducation nationale, Olivier Guichard, constatait quelques mois après son installation que toutes ces mesures provoquaient de véritables guerres de religion. Plus qu'ailleurs, le gouvernement doit ici tenir compte des puissants groupes de pression : organisations d'enseignants et de parents d'élèves menant souvent des campagnes contradictoires. Les enseignants ont dénoncé les mesures prises à propos de l'enseignement des langues vivantes dans les lycées, les parents ont souvent fait état, au cours de leurs congrès, des difficultés de la participation dans les établissements. Après un court moment de collaboration, on en est revenu, de part et d'autre, à des querelles traditionnelles portant plus sur des questions secondaires que sur les problèmes de fond. Ils demeurent pourtant. L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) a publié, en mai 1970, un rapport critiquant la politique scolaire française ; recherche juridique de l'égalité, prééminence accordée à l'enseignement littéraire, mauvaise organisation des examens, etc. Ce diagnostic sévère a eu un grand retentissement. Il contient implicitement l'idée que les réformes engagées depuis deux ans ont concerné davantage le fonctionnement des établissements que l'enseignement lui-même.

Le gouvernement s'est d'abord préoccupé de rétablir un climat de confiance et de tolérance. La mise en question des célèbres et anciennes franchises universitaires à l'occasion de l'entrée de la police sur le campus de Nanterre a provoqué une polémique prolongée.

La recherche d'un nouveau consensus permettant aux étudiants et enseignants de toute opinion de cohabiter pacifiquement a été officiellement prônée, mais n'a guère donné de résultats. La longue crise qui a opposé, en juin 1970, certains étudiants et professeurs de la faculté des sciences de Paris à leur doyen en témoigne. Celui-ci avait porté plainte contre un enseignant qu'il avait surpris en train de tracer des slogans sur des murs de la faculté ; le professeur, Levy-Leblond, a été suspendu par le ministre et inculpé de « dégradation volontaire de monument d'utilité publique ». Certains étudiants ont riposté en organisant un boycottage des examens de fin d'année.