Caractéristique la plus frappante, ces appareils n'ont pas l'enrobage de gaines métalliques qui accompagne généralement les barreaux ou les pastilles d'uranium. Les éléments combustibles HTR sont des objets de graphite dont la partie centrale est truffée de très petites capsules d'uranium enrichi. L'absence de gaines métalliques, coupables à la fois d'absorber des neutrons et d'imposer d'assez rigoureuses sujétions thermiques, permet de pousser les températures jusqu'à 750 ou 850 °C.

Cycle fermé

Le modèle européen et le modèle américain ont des éléments combustibles dits « prismatiques », de section polygonale. Le modèle allemand S′ se singularise par l'invention d'éléments sphériques, baptisés « boulets ». Cette forme facilite les manutentions, les boulets accumulés dans le cœur du réacteur pouvant s'écouler comme un liquide ou plutôt comme de la grenaille de plomb.

Les hautes températures (au-delà de 750 °C) ouvrent la voie à la turbine à gaz, qui s'apparente aux moteurs d'avion. L'avantage escompté est le suivant : l'énergie calorifique contenue dans le gaz n'est plus reprise par la vapeur d'eau à travers un échangeur de chaleur. C'est le gaz chaud qui, lui-même, est injecté dans la turbine. Un cycle direct se substitue donc aux cycles indirects de la plupart des précédents réacteurs, voire même des surgénérateurs au sodium liquide.

Ajoutons que tous les réacteurs pilotes HTR se sont assez brillamment comportés. L'expérience cruciale, celle du couplage avec une turbine à gaz, sera prochainement tentée à Geesstacht (Allemagne fédérale). L'hélium, gaz moteur, y sera utilisé en cycle fermé (contrairement à l'air emprunté à l'atmosphère par les réacteurs d'avion, qui fonctionnent en cycle ouvert).

Les constructeurs de cette centrale expérimentale allemande (puissance 22 MW) visent un rendement de 37,5 %. On estime, en revanche, que des réalisations ultérieures permettraient des rendements approchant 50 %.

Sans neutrons rapides

Les réacteurs HTR utilisent parfois le thorium, concurremment avec l'uranium enrichi, ce qui améliore leur réactivité. On espère ainsi toucher de très près ou même franchir le seuil de la surgénération (davantage de matière fissile produite que consommée) sans mettre en jeu les neutrons rapides, considérés comme redoutables.

Une autre formule existe ; elle est moins souvent citée parce qu'elle n'a pas encore dépassé le stade de laboratoire. Il s'agit des sels fondus, étudiés par une audacieuse équipe du centre américain d'Oak-Ridge. Le combustible est un mélange liquide de tétrafluorure d'uranium et de fluorure de zirconium. C'est, en quelque sorte, une solution d'uranium d'où l'eau est absente, ce qui élimine les fâcheux problèmes de la tension de vapeur qui caractérise le plus familier des liquides.

Les perspectives

Vertu de cette solution fluorée, elle facilite l'élimination, en continu, des produits de fission, qui abrègent jusqu'ici la vie des combustibles nucléaires et les obligent à de coûteuses régénérations. Il existe, d'autre part, une substance radioactive, le protactinium, qui intervient défavorablement dans la neutronique du thorium : le procédé expérimenté à Oak-Ridge permet de dériver et de tenir en réserve le combustible chargé en protactinium jusqu'au moment où la désintégration de celui-ci le transmute en une excellente matière fissile, l'uranium 233.

Des perspectives s'ouvrent, sans doute plus attrayantes que les formules actuelles. Mais comme toujours en pareille matière, il faut attendre une longue série de recherches et de développements pour que se concrétisent les espoirs qui miroitent aujourd'hui.

La France choisit l'uranium enrichi

La politique électronucléaire française, qui hésitait au cours de ces dernières années entre plusieurs voies, s'est clarifiée à la fin de 1969. La décision a été prise de construire en France des centrales à uranium enrichi, de type américain. Annoncée le 17 octobre à Saint-Laurent-des-Eaux, par M. Boiteux, directeur général d'EDF, lors de l'inauguration d'une centrale de type graphite-gaz, cette décision fut confirmée le 14 décembre par un comité interministériel. En même temps, on avançait le nombre de trois centrales à uranium enrichi, tout en précisant que la filière française uranium naturel-graphite-gaz n'était pas abandonnée pour autant.