Dans la construction électrique, même désir de renforcer les structures nationales par la constitution d'un ou deux groupes de dimension mondiale. En Belgique — où les Ateliers de construction électrique de Charleroi iront à Westinghouse — et en Italie (domination américaine) il était déjà trop tard.

Les Britanniques ont terminé la restructuration de ce secteur par la fusion General Electric-English Electric (novembre 1968). Philips aux Pays-Bas, AEG et Siemens en Allemagne dominent leurs marchés respectifs. Restait la France. La prise de contrôle d'Alsthom par la Compagnie générale d'électricité (CGE) constitue une première étape dans ce sens. Deux inconnues subsistent : le sort réservé à Jeumont-Schneider, poids lourd de l'électromécanique, et les chances d'un rapprochement entre la CGE et Thomson-Brandt pour constituer un groupe de la taille des sociétés britanniques ou des sociétés allemandes.

Autre grand secteur où les mariages entre nationaux se sont multipliés : la chimie. Rhône-Poulenc est ainsi rentré dans le club des 10 milliards de chiffre d'affaires par l'absorption de Progil et la prise de contrôle de Pechiney-Saint-Gobain, au cours de l'été 1969. Ailleurs, en Suisse, Ciba et Geigy, sous l'effet notamment de la concurrence du géant local de la pharmacie, Hoffmann-Laroche, ont décidé de faire route ensemble. Le chiffre d'affaires du groupe ainsi constitué serait d'environ 8 milliards de francs. Aux Pays-Bas, les deux premiers producteurs, AKU et KZO, ont constitué l'AKZO, deuxième fabricant mondial de fibres chimiques, derrière Du Pont de Nemours. Autres opérations en perspective : la fusion des divisions engrais des trois principaux producteurs britanniques, ICI, BP et Fisons, et le regroupement des activités chimiques du géant italien Montedison avec celles de l'entreprise d'État ANIC.

Ailleurs, l'on retiendra les simplifications dans la mécanique française. Fusion, après des années de pourparlers, entre les Forges du Creusot (SFAC) et les Forges de la Loire (CAFL), et constitution entre Babcock et Wilcox et Fives-Lille-Cail de Babcock-Fives. Deux groupes à l'échelle européenne dont les chiffres d'affaires 1969 auraient été respectivement de 2,8 milliards pour Creusot-Loire (dont 1,6 pour la mécanique) et de 750 millions pour Babcock-Fives (grosse mécanique exclusivement). Les derniers pétroliers indépendants ont également disparu, l'un, Frisia, en Allemagne, au profit du groupe américain Texaco, l'autre, Antar, en France, au profit de la Française des pétroles et du groupe ELF-ERAP. Dans l'automobile, enfin, c'est en Suède que s'est effectuée l'opération la plus importante avec la fusion de Saab (automobiles, avions) avec Scania-Vabis (camions). En Allemagne, Daimler-Benz et Rheinstahl ont mis en commun leurs activités camions et NSU s'est intégré au groupe Volkswagen par l'intermédiaire d'Auto-Union, filiale de ce dernier.

Dans les principaux secteurs donc, 1969 aura marqué une des dernières étapes des efforts nationaux de restructuration. Que ce soit dans la chimie, la sidérurgie, la construction électrique, l'automobile, le pétrole, une ou deux entreprises dominent désormais les marchés nationaux. Pour l'avenir, il reste, entre autres, l'industrie automobile française, dont le sort a déjà été partiellement réglé par la prise de 15 % du capital de Citroën par Fiat, et surtout la construction mécanique, dont la structure est encore floue. Compte tenu de la très grande diversité des fabrications et de la relative homogénéité des marchés, la taille sera vraisemblablement atteinte par la spécialisation (à l'image des firmes américaines), laquelle peut se faire plus facilement à l'échelle européenne qu'à l'échelle nationale. Les accords de 1967 entre Saviem (France) et MAN (Allemagne) dans les poids lourds sont un exemple à retenir.

Un certain nombre d'entreprises ont également mis le nez dehors pour s'intéresser aux entreprises de taille moyenne chez leurs voisins.

Rachat de petite firme

Grand spécialiste de la manœuvre internationale, le groupe néerlandais AKZO s'était signalé en 1968 par la reprise de Fabelta en Belgique et de Sastig en Suisse, tous les deux producteurs de fibres. En 1969, il a racheté Astral, deuxième fabricant français de peintures (chiffre d'affaires consolidé : 193 millions de francs). La BASF n'a pas chômé non plus en rachetant son associé américain Wyandotte. Hoechst, pour sa part, profitera du rapprochement Roussel-Uclaf-Centrale de dynamite, étant déjà propriétaire de 22 % du capital de Roussel.