Mais les découvertes de l'OAO 2 ont d'autres prolongements non moins importants. Ceux-ci amènent à envisager la révision des actuelles estimations des distances dans l'Univers. L'éclat global des galaxies, évalué d'après la seule lumière visible, avait été sous-estimé. Or, pour un même éclat apparent, un objet céleste est d'autant plus lointain qu'il est plus lumineux intrinsèquement. L'Univers serait plus vaste encore qu'on ne le pensait. Déjà, pour les plus lointains quasars connus, la lumière aurait cheminé quelque 6 milliards d'années avant de nous parvenir.

À Kourou, « Diamant B » a lancé le satellite allemand « Dial »

Le 10 mars 1970, trois ans après sa dernière satellisation, Diadème 2 (Journal de l'année 1966-67), la recherche spatiale française a repris ses lancements d'engins spatiaux. Ce jour-là, une fusée Diamant B a décollé à 18 h 20 mn 37 s (heure de Paris) d'un pas de tir tout neuf et, dix minutes après, elle a placé le satellite allemand Dial sur une orbite de 328/1 629 km inclinée de 5,53° sur l'équateur. Ce premier lancement d'un engin spatial à partir du nouveau cosmodrome de Kourou (centre spatial guyanais) était aussi le premier tir de la nouvelle fusée française Diamant B.

Pour la première fois aussi, un lanceur qui n'était ni américain ni soviétique plaçait en orbite un satellite pour le compte d'un autre pays.

Une fusée « vendable »

Succédant aux Diamant de la première génération (4 tirs : 4 satellisations), la nouvelle fusée s'est affirmée d'emblée aussi sûre. Au départ, avec sa charge utile, elle pèse 24,6 t et mesure 23,54 m de hauteur et 1,40 m de diamètre maximal. Le moteur du 1er étage consomme de la méthylhydrazine dissymétrique (combustible) et du peroxyde d'azote (oxydant) ; il fonctionne pendant 112 secondes. Les 2e et 3e étages, à propergol solide, fonctionnent respectivement pendant 41 et 44 secondes.

Diamant B peut satelliser jusqu'à 170 kg, selon l'altitude, la forme et l'excentricité de l'orbite. Ses performances sont comparables à celles de la fusée américaine Scout. Or, cette dernière est celle que les Américains vendent, lancement compris, aux pays dépourvus de lanceurs. Le tir du premier Diamant B pourrait donc ouvrir à l'industrie aérospatiale française des débouchés.

Ces perspectives sont d'autant plus favorables que le cosmodrome est le seul au monde qui puisse lancer directement — sans gauchissement important de la trajectoire ni transfert d'orbite — des satellites équatoriaux (c'est-à-dire gravitant sur une orbite dont le plan est très proche de celui de l'équateur). À fusée égale, on peut lancer sur une même orbite équatoriale une masse de 20 % plus grande qu'à partir de Cap Kennedy.

Dial, dont le poids au sol était de 61,7 kg, est un satellite d'aéronomie qui accomplit quatre expériences différentes mises au point par les universités de Kiel et de Brunswick et par l'Institut Max-Planck. Son but est l'étude de la géocouronne (ainsi appelée par analogie avec la couronne solaire), gigantesque ceinture de gaz très raréfié qui s'étend, de part et d'autre du plan équatorial, jusqu'à des dizaines de milliers de kilomètres et même au-delà.

Malgré ses dimensions modestes, Dial apporte une contribution précieuse, parce que complémentaire, aux études entreprises avec d'imposants et coûteux engins américains (satellites OGO, sondes Mariner, etc.) : c'est la première fois que de telles études sont entreprises avec un satellite à orbite équatoriale.

Dial exécute alternativement deux programmes ; un en zone éclairée par le Soleil ; l'autre en zone d'ombre, ce dernier étant le plus intéressant, car la partie de la géocouronne plongée dans l'ombre de la Terre est le siège de phénomènes (électriques, atomiques, etc.) qui n'ont pu être expliqués à ce jour.

Deux nouveaux au « club spatial »

Une équipe de l'université de Tokyo réussissait à mettre en orbite, le 11 février 1970, le petit satellite Osumi. Le mot lanceur semble excessif pour la fusée-miniature Lambda, qui, malgré ses quatre étages, ne pèse que 9,4 t (3 de moins que le modeste V2 d'il y a vingt-cinq ans !) et qui est dépourvue de tout système de guidage. C'est pourtant avec un engin aussi sommaire que les universitaires japonais, étonnant une fois de plus l'Occident, ont satellisé une masse de 26 kg sur une orbite qui atteint 5 164 km d'altitude !