À 17 h 16 mn 22 s, Christopher Krafft, qui dirige les opérations à Houston, transmet aux astronautes la décision tant attendue : « Vous avez le feu vert pour la TLI (l'injection sur la trajectoire lunaire). » Rallumé pendant 5 mn 47 s, l'étage S-IV B confère à l'engin la vitesse de 38 400 km/h qui l'amène à décrire une orbite de satellite du système Terre-Lune. Les astronautes ont alors un peu de répit, mais il leur faudra encore, dans une heure et demie, procéder à la restructuration de l'Apollo. Pour comprendre le sens de cette manœuvre, il convient de savoir quelle était initialement la configuration du vaisseau spatial. Pour des raisons de commodité, d'encombrement et de sécurité, lors du lancement, le LM était logé, jambes repliées, dans la jupe tronconique qui assurait le raccordement entre le troisième étage du lanceur et le SM. En d'autres termes, ce SM s'interposait alors entre la capsule et le module lunaire, empêchant les astronautes de passer de l'un à l'autre. La restructuration s'achève à 17 h 59 mn ; elle se déroule de la manière suivante : d'abord, l'ensemble CSM se sépare de l'ensemble LM—S-IV B et, après s'en être écarté de quelques mètres, il se retourne. Pendant ce temps, Houston télécommande l'éjection des quatre pétales qui composent la jupe tronconique autour du LM. Commandé par Collins, le CSM revient alors sur LM et s'unit à lui, c'est-à-dire par le sommet de la capsule portant le sas, de manière à permettre le passage d'une cabine à l'autre. L'ensemble recule ensuite, pour se séparer définitivement de l'étage S-IV B.

Comme ce dernier n'est plus d'aucune utilité, Houston commande la vidange de ses réservoirs, mais sans allumage du moteur. La faible poussée engendrée par la simple éjection des restes de propergol suffit à transférer l'épave sur une orbite de planète artificielle du Soleil.

Retour garanti

La fusée Saturn a donc parfaitement accompli sa mission. Le vaisseau spatial se dirige vers la Lune par un chemin détourné, tout en perdant constamment de la vitesse. En effet, d'élémentaires raisons de prudence ont incité à préférer au chemin le plus court une trajectoire elliptique translunaire de retour naturel qui présente un précieux avantage : en cas d'échec de la satellisation autour de la Lune, le vaisseau spatial, après avoir contourné notre satellite, reviendrait de lui-même en empruntant naturellement une trajectoire qui le conduirait jusqu'à l'atmosphère terrestre. Après la restructuration, les astronautes ont imprimé au vaisseau spatial un très lent mouvement de rotation sur lui-même (quelques révolutions par heure). Cette rotation — dite broche ou barbecue dans le jargon des astronautes — a pour objet d'exposer également à l'action des rayons solaires toutes les parties de la coque de l'engin.

Les trois hommes peuvent ensuite se détendre, tout en se livrant à des activités routinières, à des exercices de navigation astronomique, etc. Ils sont exaltés par l'aventure qu'ils vivent et fascinés par cette Terre qui s'éloigne sans cesse et devient de plus en plus petite. À 4 h 30 mn du jeudi 17, ils ont droit à un long sommeil. Grâce aux électrodes fixées sur leur corps, les médecins, dans la salle de contrôle de Houston, savent quand chacun d'eux s'est endormi, si son sommeil est calme ou agité. Les cosmonautes se réveillent à 13 h 2 mn et ils apprennent qu'une sonde soviétique Luna 15 a été satellisée autour de la Lune.

À 17 h 30 mn — Apollo se trouve alors à 220 700 km de la Terre — une petite correction de la trajectoire est opérée : pour remettre l'engin sur le bon chemin, il aura suffi de faire fonctionner le moteur du SM pendant trois secondes.

Un peu après minuit, les cosmonautes procèdent à leur première émission de télévision en couleurs. Ils montrent à des millions de téléspectateurs les aspects essentiels de leur vie à bord : travail, préparation de la nourriture, etc. ; ils leur montrent aussi la Terre.

Le lendemain, le vol se déroule dans les mêmes conditions. En dehors des périodes de sommeil des hommes, le contact en phonie avec Houston est quasi permanent. La base terrestre communique aux cosmonautes les nouvelles du jour ; ils prêtent à peine l'oreille aux informations sportives !