60 % des mandats approuvent la motion Jeanson, tandis que, là aussi, deux autres thèses lui avaient été opposées :
– l'une, présentée par Fredo Krumnow, représentant des secteurs les plus défavorisés, défendant l'idée d'une stratégie de rupture (mais une partie de ses défenseurs, représentant environ 25 % des suffrages, se rallie en définitive au texte Jeanson) ;
– l'autre, défendue par Gilbert Declercq, partisan d'une stratégie plus syndicale. Pour ce dernier, l'autogestion n'est actuellement qu'un rêve qui risque de conduire à des erreurs de manœuvre. La priorité doit être accordée à la conquête des moyens de production. Cette thèse recueille le tiers des mandats.

Une réforme des statuts adoptée par 65 % des mandats visant à la fois à renforcer les régions, à simplifier les organismes directeurs et à rendre la direction collégiale, donne maintenant à la CFDT un visage nouveau. Elle est dirigée par un bureau national de 31 membres (10 représentants des fédérations, 10 des régions, 10 représentants de l'exécutif confédéral et 1 cadre) et par une commission exécutive de 10 membres remplaçant l'ancien bureau confédéral.

Le 37e congrès de la CGT

Le 37e congrès de la CGT s'est tenu à Vitry (Seine) du 16 au 21 novembre 1969, sous le signe de la modernisation de la vieille maison. Officiellement, comme l'avait décidé le précédent congrès, il convient de modifier les statuts. Il s'agit surtout, selon la formule d'André Berteloot, de se « projeter résolument vers l'avenir ». Le débat s'est déroulé autour de trois axes qui résument les ambitions de la réforme des principaux statuts :
– adapter l'organisation aux exigences de l'heure. À cet effet, plusieurs modifications : renforcement des instances régionales, reconnaissance statutaire de l'organisation des cadres, élection de la Commission exécutive directement par le congrès et non plus par le Comité confédéral national. D'une façon générale, la réforme vise à renforcer la participation des adhérents ;
– renforcer les conditions de l'unité syndicale. Geste symbolique, le préambule de la CGT réunifiée de 1936 est conservé, « bien que son langage ait vieilli », afin de préserver toutes les chances d'une éventuelle réunification avec Force ouvrière.

Parallèlement, le congrès repousse à une très forte majorité la proposition du syndicat des Pétroles de Donges (qui avait quitté FO pour la CGT en 1968) visant à interdire le cumul des mandats politiques et syndicaux. Une telle concession n'aurait-elle pas été jugée comme une hypocrisie ? avaient demandé au préalable les dirigeants confédéraux, tandis qu'André Berteloot, membre non communiste du Bureau confédéral avait souligné « l'apport idéologique important du parti communiste pour la réalisation d'objectifs conformes aux intérêts des travailleurs » ;
– préparer « l'alternative démocratique ». En explicitant ou en supprimant les notions qui pouvaient paraître obscures ou insuffisantes, la CGT propose une base doctrinale « claire et réaliste », mieux adaptée aux circonstances actuelles. C'est ainsi que la formule « la disparition du salariat et du patronat » est abandonnée au profit de « la suppression de l'exploitation capitaliste, notamment par la socialisation des moyens de production et d'échange ».

Derrière cet apport pédagogique, il y a donc une ambition stratégique : tout se passe comme si la CGT se préparait à faciliter l'embrayage sur un éventuel changement de régime. Le dépoussiérage des statuts n'est pas séparable du document d'orientation qui prévoit des étapes intermédiaires dans la marche vers le socialisme.

Cette éventualité suppose, aux yeux de la CGT, un rassemblement des travailleurs sur des bases plus unitaires qu'en mai 1968 ; c'est l'objet de la réforme des statuts et sans doute trouve-t-on là une des raisons de l'absence de toute attaque contre la CFDT, avec laquelle la CGT espère mener le même combat un jour.

Le Bureau confédéral élu par le Congrès compte désormais 15 membres au lieu de 14, parmi lesquels 4 nouveaux venus : Jacqueline Dhervilly-Lambert, Christiane Gilles, Louis Saillant et André Allamy. Légèrement rajeuni, l'état-major voit son équilibre politique également modifié, puisque la majorité (8 membres sur 15) appartient aux non-communistes.