Après huit mois de déchirements progressifs, le Parti socialiste finit, en effet, par éclater, le 4 juillet, en deux formations. L'une garde le nom de Parti socialiste italien (PSI) et reste représentée par 62 députés et 36 sénateurs. L'autre, regroupant les scissionistes, prend la dénomination de Parti socialiste unitaire (PSU) et entraîne avec elle 29 députés et 10 sénateurs.

La coupure ne recouvre pas exactement la ligne de séparation des deux partis qui s'étaient unifiés en octobre 1966, mais les motifs idéologiques de cette nouvelle scission (la onzième depuis la création du Parti socialiste en 1892) portent comme toujours sur la définition des relations et de la coopération avec le parti communiste.

Le même thème se retrouve d'ailleurs en arrière-plan des débats internes de la démocratie chrétienne, qui tient son congrès dans les premiers jours de juillet.

Deux conceptions du socialisme

À l'origine, les deux courants socialistes ont le même objectif : rendre au gouvernement de centre gauche, auquel ils appartiennent, le dynamisme nécessaire pour aller jusqu'au bout des réformes qui, en 1963, justifiaient l'entrée du parti dans l'aire gouvernementale. Elles avaient été freinées par l'évolution de la démocratie chrétienne, qui donnait une interprétation modérée à l'ensemble du programme.

Mais la division se fait sur deux tactiques possibles, et dans des termes qui, un an plus tard, se posent identiquement ; le socialisme doit-il réaffirmer son caractère de bloc fermé, capable de concurrencer l'emprise des communistes sur leur terrain même, et de donner à la majorité de centre gauche un caractère polémique ? Doit-il, au contraire, accepter que, dans certains cas précis de réformes urgentes, le centre gauche s'ouvre, accepte les amendements et les voix communistes, soit au Parlement, soit dans les différentes assemblées locales, sans pourtant jamais aller jusqu'à un partage organique du pouvoir ?

Lorsque les deux partis renaissent, la scission sur ces bases se produit dans un climat de très vif affrontement, entre les hommes plus encore qu'entre les idéologies. Et la première conséquence est la démission du cabinet Rumor. Pietro Nenni, qui s'était efforcé jusqu'à la dernière minute de maintenir l'unité du parti, renonce au portefeuille des Affaires étrangères et se retire dans sa villa de Formia. Les socialistes unitaires proclament leur refus de cohabiter désormais avec l'autre parti. La notion de centre gauche ne signifie plus grand-chose.

Chez les démocrates chrétiens, le congrès semble se conclure par une série de scrutins qui renforcent la majorité interne sortante, groupée autour de Mariano Rumor. L'arbitre est en réalité Amintore Fanfani, président du Sénat, qui prend du champ et se garde d'intervenir sur les thèmes politiques les plus brûlants. Aldo Moro, qui fut chef du gouvernement de 1963 à 1968, se situe sur la gauche du parti, dont il tente de rallier les différents courants. L'opposition des deux hommes va dès lors déterminer les vicissitudes de la vie du parti.

Cette situation d'Aldo Moro, considéré comme le théoricien d'une « stratégie de l'attention » au parti communiste, contribue à durcir les socialistes unitaires. Pour en finir avec le thème de l'ouverture vers l'extrême gauche, ils envisagent d'amener le chef de l'État à prononcer la dissolution des Chambres, pour provoquer des élections anticipées. Cette spéculation va jusqu'au printemps 1970 constituer l'un des arrière-plans de la crise.

Mais c'est un pari ; les socialistes de toute obédience ne risquent-ils pas d'y être laminés au profit de l'extrême gauche ? Les démocrates chrétiens ne seraient-ils pas les vainqueurs réels ? Les plus pondérés d'entre eux redoutent une victoire trop forte, difficile à dominer. Quant aux communistes, ils estiment qu'un certain délai leur est nécessaire pour exploiter tous les effets de la scission du parti socialiste.

Tout le mois de juillet s'écoule avant que la démocratie chrétienne accepte de prendre seule la responsabilité du nouveau gouvernement. Les républicains les premiers ont, en effet, annoncé leur dégagement. Les socialistes unitaires les imitent, dans l'espoir de contraindre les démocrates chrétiens à se prononcer nettement, c'est-à-dire à choisir entre les deux partis socialistes et ce qu'ils représentent.