Sans remettre en cause son association avec la Communauté, le gouvernement de G. Papadopoulos, en dépit de son anticommunisme sans faille, tient à marquer, dès le mois de janvier, sa volonté d'ouverture économique à l'Est. Elle se traduit par la création d'une représentation commerciale permanente à Berlin-Est, l'accueil d'une mission de la chambre de commerce de Budapest, et même un certain dégel avec l'Albanie.

Enfin, un protocole est signé avec l'Union soviétique, stipulant une réduction des tarifs douaniers de l'ordre de 50 % sur les produits en provenance de l'URSS.

Cette évolution, s'empresse de préciser le ministre des Affaires étrangères, P. Pipinellis, ne représente pas une « diversification des alliances », mais une simple « extension des relations de la Grèce ». Elle n'a pas suffi à ralentir le zèle répressif du régime à l'égard de tous les opposants.

Le procès de « Défense démocratique »

Le procès le plus important de l'année se déroule en avril, et provoque de vifs remous dans l'opinion internationale. Parmi les 34 membres du réseau Défense démocratique qui sont accusés d'activités terroristes figurent des personnalités comme le général en retraite Georges Iordanidis, le professeur Dionyssios Karayorgas, et le journaliste Jean Starakis, qui bénéficie d'une double nationalité grecque et française.

Les interventions des principaux accusés se transforment en véritables réquisitoires contre le régime. Le procureur général requiert la peine de mort contre D. Karayorgas et la réclusion à vie contre J. Starakis. Mais le premier est condamné à la réclusion perpétuelle, le second à une peine de dix-huit ans. Quelques jours après le verdict, J. Starakis, dont le cas avait fait l'objet de démarches de la part du Quai-d'Orsay, est déchu de sa nationalité grecque, gracié et rendu à la France.

Ce procès va avoir un prolongement indirect, mais retentissant. Tandis que se multiplient les appels et les protestations à travers l'Europe, J.-J. Servan-Schreiber frète un avion spécial, se pose à Athènes, rencontre G. Papadopoulos, et, le 13 avril, ramène à Paris le compositeur Mikis Théodorakis.

Assigné à résidence dans une bourgade isolée, son état de santé précaire inquiétait ses amis à l'étranger, qui réclamaient avec insistance sa libération. Il semble que le principe en était déjà acquis à l'arrivée de J.-J. Servan-Schreiber, et que les colonels ont saisi cette occasion de faire un geste.

La première initiative de M. Théodorakis est d'inviter les forces de l'opposition à s'unir et à constituer un Conseil national de la résistance. Le 22 juin, le Front patriotique et Défense démocratique reprennent à leur compte ce mot d'ordre.

Cependant, toutes les tentatives effectuées dans ce sens au cours de l'année sont restées sans résultat. La personne du roi Constantin, toujours en exil officiel à Rome, suscite chez les opposants des réactions diverses, qui vont de la confiance relative à l'hostilité absolue. Le PAK (Mouvement panhellénique de libération) d'Andréas Papandréou adopte, sur ce point et sur d'autres, des positions tranchantes. Enfin, le Parti communiste, divisé depuis la rupture de février 1968 à Bucarest entre la tendance Koliyannis et le groupe des communistes de l'intérieur, ne parvient pas à refaire son unité.

Le 28 juin, G. Papadopoulos remanie son équipe. Il s'adjoint un ancien député libéral, Anghelos Tsoukalas, comme ministre de la Justice, un transfuge du parti radical de C. Caramanlis, Pavlos Manolopoulos, comme ministre du Travail. Plus que sur le ralliement des notables, les militaires comptent sur l'encadrement de la jeunesse.

Rassemblés le 30 mai au stade d'Athènes, plusieurs milliers de jeunes appartenant à l'organisation Alkimi (les Vaillants) ont juré fidélité aux idéaux du régime. Celui-ci présente un bilan qu'il considère comme très positif : stabilité économique, hausse modérée des prix, progression du produit national brut de 8 % en 1969 (contre 4,7 % en 68), relance des investissements (l'accord conclu avec l'armateur Stavros Niarchos, prévoit que ce dernier mobilisera 200 millions de dollars pour le financement de grands projets industriels), Sujet particulier de satisfaction : l'ambassade des États-Unis à Athènes a maintenant un chef de mission, Henry Tasca, qui a pour consigne, tout en recommandant des mesures de normalisation, de ne pas brusquer les choses.