Les abus d'autorité du gouvernement de Georges Papadopoulos l'ont exposé à des critiques de l'extérieur, mais n'ont jamais entamé sa solidité intérieure. Loin d'en tirer une force quelconque, ses adversaires n'ont offert aux Grecs que le spectacle des mêmes querelles entre partis qui avaient déjà frappé d'impuissance le régime parlementaire et conduit à son renversement par les colonels (Journal de l'année 1966-67).

Pourtant, aux premiers jours de juillet 1969, intervenant brutalement dans le domaine de la magistrature, les militaires semblaient se heurter à une sérieuse résistance des cadres civils. La démission de sept membres du Conseil d'État, dont le vice-président D. Karovelos, apparaissait comme une première réponse aux ingérences et aux pressions. Aussitôt, le ministre de l'Intérieur, Stylianos Pattakos, élevait la voix : « Aucune institution ne peut se placer au-dessus de l'État révolutionnaire. » Trois avocats et un procureur étaient déportés « pour des raisons de sécurité ». Un décret du 6 juillet, avec effet rétroactif, tenait pour nulle et non avenue toute décision que pourraient prendre les autorités judiciaires sur « des sujets retirés à leur compétence ». La fronde des magistrats tourne court.

Annoncée le 3 octobre, la levée de la censure préalable sur la presse paraît amorcer une certaine libéralisation. Mais les autorités se réservent le droit de saisir les journaux dans la mesure où « ils contribuent à réveiller les passions partisanes ». Un journal de Patras, Himera, qui avait consacré une page entière à la mémoire de l'ancien président du Conseil Georges Papandréou, est retiré des kiosques.

Le décret-loi du 17 novembre, comportant plus de cent articles, réglemente les activités de la presse dans un sens qui désavantage les organes les plus lus, qui sont aussi les plus indépendants. Les clauses fiscales et le barème de détaxation du papier journal importé font l'objet de vives controverses : la détaxation est totale pour les journaux vendant moins de 25 000 exemplaires, mais elle n'est que de 5 % pour ceux vendant au-delà de 100 000 exemplaires. Utilisant toutes les ruses du titrage et de la mise en page, le quotidien Ethnos engage une véritable guérilla contre le régime. Son tirage passe alors de 15 000 à 45 000 exemplaires, mais il subit de multiples saisies, cinq membres de sa direction sont condamnés, et il doit finalement renoncer à paraître.

Les chefs de l'opposition — Andréas Papandréou, réfugié au Canada, et surtout Constantin Caramanlis, installé à Paris — misent cependant sur l'attitude des pays occidentaux.

La Suède, suivie des autres pays Scandinaves, mène une campagne contre les méthodes répressives des colonels. À la mi-décembre, la conférence des ministres des Affaires étrangères du Conseil de l'Europe est appelée à se prononcer sur le cas de la Grèce, à la lumière du rapport sévère de la commission d'enquête qu'il avait désignée. Cette réunion donne lieu à de grandes manœuvres diplomatiques, où Panayotis Pipinellis, vieux politicien rallié à la junte et chargé de défendre son prestige, tente vainement d'obtenir la neutralité de l'Allemagne fédérale et de la Grande-Bretagne. Il n'obtient que celle de la France, et, pour éviter à la Grèce une mesure d'exclusion, annonce qu'elle se retire du Conseil de l'Europe.

G. Papadopoulos ne pouvait que réagir avec amertume à cette sortie moins choisie que forcée. Dans une conférence de presse, il évoque des élections sans en fixer la date, promet au peuple grec la « démocratie de ses ancêtres », et lance cet avertissement : « Bas les pattes aux étrangers. »

Leur déconvenue européenne inspire aux milieux officiels d'Athènes des réflexions réalistes sur le peu de profit que leur économie a jusqu'ici tiré de son association au Marché commun.

Les exportations de la Grèce à destination des pays membres n'atteignent, en effet, que 39 % du chiffre total des ventes à l'étranger. Et son déficit commercial, dans ses échanges avec l'Europe des Six, qui était de plus de 100 millions de dollars en 1965, a pratiquement doublé depuis.