Pour bien marquer ses choix politico-idéologiques, la nouvelle équipe gauchiste rompt, le 24 octobre, ses relations diplomatiques avec les États-Unis. Le 27 novembre, une quarantaine d'entreprises américaines, britanniques, françaises, indiennes, pakistanaises, jordaniennes et yéménites sont nationalisées. Il s'agit de firmes jouant un rôle de premier plan dans l'économie : des banques, des compagnies d'assurances, maritimes, d'armement naval, pétrolières, etc.

Le conflit avec l'Arabie Saoudite

La veille, de violents combats avaient éclaté sur la frontière, mal délimitée, séparant la RPSY de l'Arabie Saoudite. Selon Aden, l'armée du roi Fayçal avait attaqué la localité d'El-Wadia, réputée riche en gisements pétroliers. Les engagements armés, qui devaient se poursuivre pendant une dizaine de jours, se sont soldés par l'occupation de la région par l'armée saoudite. La RPSY accusa dès le premier jour le royaume wahabite d'avoir agi pour le compte des États-Unis, qui chercheraient à renverser le régime révolutionnaire d'Aden.

Celui-ci procède, le 30 décembre, à l'élargissement de ses assises. Le gouvernement est remanié afin d'y introduire des représentants du parti communiste orthodoxe et du parti Baas. Le FN élabore un nouveau programme, qui est soumis à la discussion non seulement dans les cellules du parti au pouvoir, mais à tous les partis demeurés autonomes.

L'un des objectifs est de fondre toutes les formations en une organisation unique. Le programme propose, en outre, d'instaurer la propriété collective dans les campagnes et la création de fermes d'État, la mise en place de milices populaires qui feraient contrepoids à l'armée, la constitution d'organisations populaires (paysans, ouvriers, jeunes, femmes, etc.) qui prendraient en main la gestion du pays.

Nouvelle épuration

La peur de la contre-révolution a conduit les nouveaux dirigeants à sévir impitoyablement contre leurs adversaires. Le 20 mars 1970, sept personnes sont exécutées sous l'inculpation de complot. Le 30, l'ex-chef de l'État, Qahtan el-Chaabi, et son neveu, l'ancien Premier ministre Fayçal Abdel Latif, en résidence surveillée depuis juin 1969, sont arrêtés et inculpés de complot. Fayçal Abdel Latif est abattu le 3 avril lors d'une tentative d'évasion. En mai-juin 1970, cependant, les dirigeants s'inquiétaient davantage de la situation financière et économique, jugée officiellement catastrophique.

Fédération des États du golfe Persique

En prévision du retrait des troupes britanniques des émirats du golfe Persique en 1971, d'intenses activités diplomatiques se sont déployées dans le double objectif d'assurer la viabilité des régimes établis et de garantir la défense d'une région qui recèle près de la moitié des réserves mondiales en pétrole.

Les souverains des neuf États de la Fédération — ceux de Bahrein, Qatar, Abou Dhabi, Dubai, Charjah, Ajman, Om el-Kaywayn, Ras el-Kheima et Foudjeira — ont tenu une nouvelle conférence du 21 au 25 octobre 1969 à Abou Dhabi. Bien que la réunion ait pris fin brusquement par un incident, les décisions qui ont été prises ont suscité quelque optimisme à Londres, où l'on souhaite que les principautés se regroupent au sein d'un entité politico-économique suffisamment forte pour résister tout autant aux secousses révolutionnaires qu'aux convoitises étrangères. Le Conseil suprême de la Fédération a arrêté diverses dispositions concernant l'éducation, la santé publique, la monnaie et la défense. Il a désigné une commission pour réviser l'organisation fédérale. Il a tranché la question de la capitale ; elle sera provisoirement établie à Abou Dhabi, le plus riche des émirats, en attendant que soit créée une nouvelle ville sur la côte, probablement sur la frontière séparant Abou Dhabi de Dubai. Le cheikh Zayed ben Sultan, souverain d'Abou Dhabi, a été élu premier président de la Fédération, pour une durée de deux ans ; l'émir de Dubai a été désigné au poste de vice-président.

La réunion des émirs a été écourtée en raison du retrait du souverain de Ras el-Kheima en signe de protestation contre les « ingérences intolérables » de la Grande-Bretagne dans les affaires de la Fédération. Aucune décision n'a ainsi été prise concernant la répartition des portefeuilles dans le futur cabinet ministériel.