Mais le 11 juin 1970, nouvel incident : l'ambassadeur d'Allemagne, Enfried von Holleben, est à son tour enlevé par les guérilleros. Il est relâché le 15, contre la libération de 40 prisonniers politiques, qui trouvent asile en Algérie.

Le commerce de la misère

Cinquante pour cent des cultures perdues, la sécheresse fait des ravages dans le quadrilatère de la soif, dans le nord-est du Brésil. Le spectacle désolant de milliers de familles affamées hante à nouveau les routes des cinq États les plus touchés. Le 3 juin, plusieurs centaines de paysans affamés s'attaquent aux magasins d'alimentation de Quixada, dans l'État de Ceara, emportant pour 10 000 dollars de nourriture. Dans la même région, un train de marchandises est assailli. Un commerce de la misère s'organise ; 5 camions chargés d'hommes et de femmes (que des trafiquants s'apprêtaient à vendre aux riches propriétaires du Sud) sont interceptés durant le mois de mai par la police. Les cours de ce nouveau trafic d'esclaves : 80 cruzeiros le travailleur (environ 18 dollars). L'intervention de la SUDENE (Surintendance pour le développement du Nord-Est), organisme spécialement chargé de ces problèmes, tente de limiter les effets de la catastrophe, mais ne parvient pas à enrayer les migrations de population et la terreur qui se développe.

Chili

9 566 000. 12. 2,4 %.
Économie. PNB (67) 585. Production (67) : A 9 % + I 45 % + S 46 %. Énerg. (67) : 1 163. C.E. (67) : 17 %.
Transports. (*67) : 2 044 M pass./km, 2 505 M t/km. (*67) : 115 500 + 117 300.  : 269 000 tjb. (*67) : 664 706 000 pass./km.
Information. (64) : 46 quotidiens ; tirage : 1 006 000 sur 43 quotidiens. (66) : *55 000. (66) : 266 300 fauteuils ; fréquentation : 69,4 M. (67) : 289 676.
Santé (67). 3 930. Mté inf. (67) : 99,9.
Éducation (65). Prim. : 1 524 979. Sec. et techn. : 350 545. Sup. : 43 608.
Institutions. République présidentielle. Constitution de 1925. Président et chef de l'exécutif : Eduardo Frei Montalva, élu en 1964 ; succède à Jorge Alessandri Rodriguez.

Une période pré-électorale tendue

Rumeurs persistantes de coup d'État militaire et perspective des élections présidentielles du 4 septembre 1970 dominent la vie politique. La possibilité d'une intervention des militaires sur la scène politique est un facteur nouveau : contrairement à la plupart des armées latino-américaines, l'armée chilienne n'a cédé que très rarement à la tentation du pouvoir. Sa dernière intervention politique remonte à 1932 et elle a assisté, impassible, à la formation d'un gouvernement de front populaire en 1938.

Les rumeurs de coup d'État ne sont cependant pas dénuées de fondement : en quelques mois, on assiste à deux révoltes militaires. La première a lieu en octobre, à Santiago ; elle concerne deux régiments dirigés par le général Viaux. Les mutins, qui finissent par se rendre sans le moindre échange de coups de feu, n'ont officiellement que des revendications professionnelles. Certains affirment cependant qu'ils ont été encouragés par les États-Unis, de plus en plus inquiets des réformes économiques menées par le président Frei.

La seconde révolte n'a pas le temps d'éclater. En mars 1970, une vingtaine d'officiers, dirigés par le général Gamboa, sont arrêtés avant d'avoir pu passer aux actes. Comme précédemment, la troupe ne paraît pas vouloir suivre le mouvement.

Ces événements entraînent la proclamation momentanée de l'état de siège et divers coups de main de commandos du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR). Ils suscitent une certaine tension dans le pays, d'autant plus vive qu'on est en pleine période pré-électorale. La consultation du 4 septembre 1970 promet d'être importante : il s'agit de savoir si la révolution dans la liberté menée par la démocratie chrétienne va pouvoir se poursuivre ou sombrera. La situation se détériore en juin ; des centaines de lycéens et d'étudiants manifestent les 25 et 26 juin. À Santiago, les affrontements sont très violents ; le 27 juin, l'état d'urgence est proclamé.

Trois candidats sont en présence dans cette élection dont l'importance sera grande pour le Chili :
– Radomiro Tomic, ancien ambassadeur à Washington, candidat de la démocratie chrétienne. Il se propose de poursuivre l'œuvre réformiste du président Frei, empêché par la constitution de se présenter pour un second mandat ;
– Salvador Allende, sénateur socialiste et candidat unique des formations de gauche (parti communiste, parti radical et parti socialiste) qui réclament une radicalisation et une accélération des réformes entreprises par la démocratie chrétienne ;
– Jorge Alessandri, qui fut déjà président de la République de 1958 à 1964, seul candidat de droite. Il bénéficie de l'appui des grands propriétaires fonciers, braqués par la réforme agraire en cours, et de certains milieux industriels. Les États-Unis voient favorablement sa candidature.

Colombie

19 825 000. 17. 3,2 %.
Économie. PNB (66) 336. Production (65). A 32 % + I 26 % + S 42 %. Énerg. (67) : 527. C.E. (66) : 8 %.
Transports. (*67) : 418 M pass./km, 1 059 M t/km. (*67) : 140 200 + 116 500.  : 209 000 tjb. (*67) : 1 488 549 000 pass./km.
Information. (67) : 25 quotidiens ; tirage global : 1 021 000. (67) : *2,2 M. (66) : *400 000. (67) : 437 900 fauteuils ; fréquentation : 85,4 M. (67) : 734 755.
Santé (65). 7 305.
Éducation (66). Prim. : 2 408 489. Sec. et techn. : 513 398. Sup. : 49 930.
Institutions. République présidentielle. Constitution de 1886. Président et chef de l'exécutif : Misael Pastrana Borrero, élu le 19 avril 1970 ; succède à Carlos Lleras Restrepo.

Durcissement de l'opposition

La coalition de Front national remporte aux élections générales du 19 avril 1970 une victoire à la Pyrrhus, qui modifie totalement le panorama politique. Son candidat, M. Pastrana Borrero, membre du Parti conservateur, l'emporte avec 60 000 voix d'avance seulement sur l'ancien dictateur Gustavo Rojas Pinilla, qui dirigea la Colombie d'une main de fer de 1953 à 1957, avant d'être renversé par une émeute populaire. Encore est-il difficile d'affirmer que le candidat gouvernemental n'a pas bénéficié de certaines irrégularités commises au cours du scrutin. Le regain de popularité de l'ancien dictateur, en dépit de son lourd passé politique, suffit en tout cas à prouver que l'accord de Front national a fait long feu.

L'alternance au pouvoir

Signé en 1958 entre les deux grands partis traditionnels de la Colombie, cet accord prévoit l'alternance au pouvoir, tous les quatre ans, d'un libéral et d'un conservateur jusqu'en 1974. Il a sans doute permis de mettre un terme à la guerre civile larvée qui sévissait depuis l'assassinat du leader libéral Jorge Gaitan, en 1948, et qui devait faire plus de 300 000 morts en dix ans. Mais il a eu une autre conséquence moins heureuse : l'immobilisme qui caractérise la vie politique depuis douze ans. La poignée de politiqeros (professionnels de la politique) qui dirigent le pays à tour de rôle se sont peu à peu coupés de la population et des dramatiques problèmes économiques et sociaux qu'elle doit affronter. Le chômage frappe 12 % de la population active et, selon une enquête publiée en 1967 par le grand quotidien libéral El Tiempo, 50 % des Colombiens souffrent de la faim. Les dirigeants se sont surtout préoccupés depuis 1964 de combattre les mouvements de guérillas, remettant à plus tard l'application du programme de transformation nationale, promulgué par le président Carlos Lleras Restrepo après son élection en mai 1966.