Élections

Le référendum du 27 avril

Six mois de préparatifs, dix semaines de propagande intensive, dix jours de bataille : ainsi s'est divisée la campagne préalable au référendum du 27 avril 1969, qui a abouti au rejet du projet présenté au pays et au départ du général de Gaulle.

Dès la fin du mois de juillet 1968, en effet, Jean-Marcel Jeanneney, devenu ministre d'État du gouvernement Couve de Murville, assisté par Olivier Guichard, ministre délégué chargé de l'Aménagement du territoire, avait reçu mission de préparer une large réforme des régions et du Sénat dans l'esprit de la « participation ». Une vaste consultation des organisations et personnalités représentatives à travers tout le pays, des débats également consultatifs à l'Assemblée nationale et au Sénat marquent cette phase d'élaboration qui s'achève le 2 février 1969 par un discours dans lequel, à Quimper, le général de Gaulle annonce que le référendum aurait lieu « au printemps ».

À partir de ce jour-là, le déferlement de la propagande officielle, suscitant les répliques des adversaires du régime, vante à grand fracas un projet dont on apprend par bribes le contenu. Le 11 mars, dans une allocution, puis le 10 avril dans un entretien radiotélévisé avec Michel Droit, le général de Gaulle appelle le pays à voter « oui », annonçant que, s'il n'en était pas ainsi, il se retirerait.

Le projet, qui n'avait été connu qu'à la fin de mars, organisait dans chacune des vingt et une régions de la métropole un Conseil régional, composé pour un tiers environ des députés, pour un tiers de conseillers territoriaux élus au second degré par les conseils et les délégués des collectivités locales (départements, communes, communautés urbaines), pour un tiers de conseillers socio-professionnels désignés par les organisations représentatives de la vie économique et sociale (organisations syndicales, patronales, agricoles, etc.).

À côté de ce législatif qui recevait certains pouvoirs de proposition et de contrôle, le soin d'établir un budget et de gérer la tranche régionale du Plan, la promesse d'un transfert de recettes fiscales et de subventions de l'État et le pouvoir d'emprunter, l'exécutif était confié au préfet de région.

Dans sa seconde partie, ce projet long et complexe réorganisait le Sénat, fusionné avec le Conseil économique et social, en une assemblée consultative spécialisée, où les sénateurs socioprofessionnels faisaient leur entrée aux côtés des sénateurs territoriaux élus au second degré.

Dans ce chapitre, on relevait aussi que l'intérim du président de la République était retiré au président du Sénat, pour être confié au Premier ministre, et que la procédure de révision de la Constitution était modifiée pour couper court aux contestations que provoquait le recours, en pareille matière, au référendum.

La campagne

La vraie bataille ne devait s'engager qu'après les vacances de Pâques, à partir du 15 avril 1969. Très vite, les positions sont tranchées. Pour le « non » : partis communiste, socialiste, radical, Convention, PSU, syndicats ouvriers, centristes de tendance Lecanuet ou Morice, Duhamel ou Pleven, enfin A. Poher, président du Sénat depuis octobre 1968, entraînant la grande majorité des membres de son Assemblée. Contre le « oui » : Valéry Giscard d'Estaing et une partie des Républicains indépendants, quelques députés gaullistes (Hébert, maire de Cherbourg) ou sénateurs (Prélot, professeur de droit). Pour le « oui » : la quasi-totalité de l'UDR et la majorité des giscardiens.

Arguments des adversaires : c'est une fausse régionalisation qui aboutit à renforcer les pouvoirs du préfet de région, retire son rôle législatif au Sénat, élément d'équilibre, accentue encore le « pouvoir personnel » du chef de l'État. Réplique des partisans, qui combattent sur la défensive : c'est plus qu'une réforme, presque une révolution, celle de la participation ; et si elle ne se fait pas, affirment-ils, ce sera le chaos.

Le scrutin

Vérifiant les derniers sondages et pronostics qui annoncent l'échec du projet, le « non » recueille en métropole 53,18 % des suffrages exprimés. Seize des 21 réglons, 71 départements métropolitains, la plupart des grandes villes (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Nice, etc.) ont choisi le « non », qui progresse ainsi de 39,04 % par rapport au précédent référendum (28 octobre 1962, sur l'élection du président).