C'est le 24 mai 1968, au fort de la crise, que le général de Gaulle annonçait un référendum sur la participation « pour assurer la rénovation » de la France, ajoutant : « Si la réponse est non, je n'assumerai pas plus longtemps mes fonctions. » Six jours plus tard, après avoir touché le fond, le chef de l'État, décrétant la dissolution de l'Assemblée, déclarait du référendum : « J'en diffère la date. » Le 7 juin, au cours d'un entretien télévisé, il rappelait : « Le référendum aura lieu en son temps. »

Les controverses

Le 17 juillet, M. Couve de Murville, nommé une semaine plus tôt Premier ministre, se présentant devant l'Assemblée avec son gouvernement, inscrivait dans son programme la régionalisation et la transformation du Sénat. À la fin du même mois, le président de la République traçait dans une « note-cadre » adressée aux ministres concernés et d'abord à J.-M. Jeanneney, ministre d'État chargé de diriger l'élaboration des projets, les grandes lignes de la réforme. À sa conférence de presse du 9 septembre, le chef de l'État traitait longuement de la participation. Au début d'octobre, après divers conseils restreints à l'Élysée, une vaste consultation des notables, des organisations représentatives, des collectivités locales était entreprise. Dès lors, dans chaque discours ministériel, ceux de M. Couve de Murville, J.-M. Jeanneney, O. Guichard en particulier, ainsi que dans toutes les prises de position de l'opposition, le référendum allait être au centre des débats.

Les instances des partis lançaient des idées, discutaient les formules, se prononçaient sur la procédure. Les principales controverses portaient sur la réunion des deux réformes en un seul projet comportant une seule réponse, ce qui indignait les sénateurs et le centre ; sur le recours au référendum, qui suscitait les plus vives critiques de la gauche ; sur l'entrée de représentants socio-professionnels non élus dans une assemblée qui demeurait parlementaire : sur la suppression des attributions législatives du Sénat ; sur la création d'un impôt régional et les pouvoirs du futur conseil de région ; sur l'exécutif — préfet de région ou responsable élu...

De longs débats sur les principes au Palais-Bourbon et au Luxembourg, au sein de l'UDR aussi — car les critiques étalent nombreuses dans la majorité, et Valéry Giscard d'Estaing, par exemple, demandait l'ajournement du référendum — fournissaient l'occasion de soulever ces questions et à J.-M. Jeanneney celle d'y répondre, au moins en partie. L'hostilité évidente du Sénat, y compris de certains gaullistes comme Marcel Prélot, professeur de droit, s'étendait dans cette assemblée à tous les partis.

Il fallait néanmoins attendre la fin du mois de février pour que la publication d'un avant-projet (déjà ancien) par le Monde donne au moins une idée de ce que pourrait être le texte soumis à référendum, et le 25 mars enfin pour que, à un mois de la consultation, le projet soit enfin rendu public. Auparavant, le 11 mars, dans une allocution radiotélévisée, le général de Gaulle avait déjà entamé la propagande pour le « oui » avec une insistance sans précédent — et pourtant ! —, que relayaient à l'envi toutes les voix officielles et l'ORTF. De nouveau, le 10 avril, dans un entretien radiotélévisé avec Michel Droit, le chef de l'État s'engageait, déclarant : « De la réponse que fera le pays va dépendre évidemment soit la continuation de mon mandat, soit aussitôt mon départ. » Et le général de Gaulle devait répéter une dernière fois encore son appel en forme de mise en demeure l'avant-veille du scrutin.

Le Sénat et les régions

Sur le fond du projet, on se bornera ici à rappeler qu'il comprenait deux grands chapitres. L'un, portant révision de près du tiers des articles de la Constitution, avait trait non seulement à la transformation du Sénat, qui se voyait réduit à un rôle consultatif, et à la suppression corrélative du Conseil économique et social, mais aussi à la procédure de révision de la Constitution, qui était modifiée, à l'intérim du président de la République, retiré au président du Sénat pour être confié au Premier ministre. L'autre établissait dans chacune des vingt et une régions un Conseil comprenant, à côté des députés, membres de droit, des élus territoriaux et des conseillers socio-professionnels désignés par les organisations jugées représentatives, par analogie avec la nouvelle composition du Sénat. Le projet fixait minutieusement, en les limitant strictement, les attributions et la procédure de fonctionnement de ces diverses assemblées, avec un luxe de détails et de formules juridiques complexes qui laissait perplexe le lecteur non spécialiste.