Une fois les examens terminés, la rentrée s'est effectuée progressivement de novembre 1968 à janvier 1969. La rentrée la plus tardive a été celle de la Sorbonne, en raison des difficultés d'administration particulières à ce gigantesque établissement de 40 000 étudiants et aussi à la pression des comités d'action d'extrême gauche, qui sont parvenus, à plusieurs reprises, à faire repousser les dates des examens.

Le congrès du Syndicat national de l'enseignement supérieur, qui s'est tenu en mars 1969 à la faculté de médecine de Paris, a été marqué par un tournant important de sa ligne politique. L'ancienne direction gauchiste, qui, sous la responsabilité de Geismar, avait joué un rôle important dans la révolte de mai 1968, a été mise en minorité et remplacée par une équipe animée par des militants du PC. Les gauchistes, conduits par Herszberg, successeur de Geismar, avaient pris depuis la rentrée, à plusieurs reprises, la défense des actions menées par les étudiants d'extrême gauche. À son tour, Herszberg est remplacé, en mars, par G. Innocent.

Le doyen Beaujeu frappé

Le 30 septembre 1968, les gauchistes empêchent par la force un groupe de droite — le Mouvement universitaire pour la réforme (MUR) — de se réunir. Les contestataires interviennent à deux reprises au cours de soutenances de thèses, pour invectiver des membres des jurys. C'est d'abord R. Étiemble qui est pris à partie, à l'occasion de la thèse de Gadoffre sur Paul Claudel et l'univers chinois, puis Raymond Aron et Stoetzel qui siègent à la soutenance de M. Dampierre sur le Fondement du pouvoir politique.

À Nanterre, d'où était partie la révolte de mai 1968 (Journal de l'année 1967-68), les cours ont repris assez tôt. Il y règne un calme relatif, entrecoupé toutefois de quelques incidents violents. Le 25 novembre 1968, deux personnalités non universitaires, venues assister comme membres du jury à une soutenance de thèse, sont séquestrées pendant deux heures dans un amphithéâtre. L'une de ces personnalités est directeur à la délégation ministérielle pour l'armement, l'autre est ingénieur des usines Dassault.

Le doyen de la faculté, J. Beaujeu, qui s'était interposé, est frappé. Trois jours plus tard, le doyen est à nouveau pris à partie et retenu de force dans un amphithéâtre.

L'agitation reprend le 14 décembre à la suite de l'interpellation d'une étudiante de la faculté, Régine Martinez, dans le cadre d'une enquête menée sur des plasticages commis à Paris par des anarchistes. Des incidents ont lieu à l'occasion d'une grève de protestation déclenchée par les comités d'action. D'importantes forces de police prennent position dans le campus et un contrôle des cartes d'étudiants est exercé pendant trois jours à l'entrée des bâtiments. La présence de la police provoque une grève des enseignants du SNE Sup.

En province également cette période connaît de nombreux points chauds. Le 6 novembre 1968, des étudiants occupent un bâtiment de la faculté des sciences de Grenoble. Un mois plus tard, dans cette même ville, des contestataires pénètrent dans le rectorat. Des troubles, des grèves et des occupations de locaux ont lieu également à Nantes, à Toulouse, à Lyon, à Clermont-Ferrand pour des motifs divers : protestations contre le retard des paiements des bourses ou contre l'insuffisance du nombre des enseignants, conflits entre les instances administratives traditionnelles (doyens, conseils de faculté) et les organismes paritaires mis en place au mois de mai.

La Sorbonne occupée

Le 23 janvier 1969, un groupe de lycéens organise au lycée Saint-Louis la projection d'un film interdit sur les événements de mai 1968. Après la séance, les élèves sortent en cortège de l'établissement et se rendent à la Sorbonne toute proche où se tenait un meeting de protestation contre le retard apporté au paiement des bourses. Étudiants et lycéens décident d'occuper les bureaux du rectorat pour appuyer leurs revendications concernant les bourses. Pendant cette occupation, qui dure deux heures, quelques dégâts sont commis : dossiers éparpillés, graffitis sur les murs et sur un tableau de Richelieu par Philippe de Champaigne. À 17 h, la police fait évacuer les lieux. Les heurts se poursuivent dans la rue.