Dans cette lumière, l'amour humain est à la fois sensible et spirituel. C'est un amour total, fidèle, exclusif, mais aussi un amour fécond, destiné à se continuer en suscitant de nouvelles vies.

Comme le rappelle la constitution Gaudium et Spes, « le mariage et l'amour conjugal sont ordonnés par leur nature à la procréation et à l'éducation des enfants ». Quant à « la paternité responsable », elle ne peut s'exercer d'une manière autonome, mais elle doit se conformer « à l'intention créatrice de Dieu, exprimée dans la nature même du mariage et de ses actes, et manifestée par l'enseignement constant de l'Église ».

Par conséquent, déclare le pape, union et procréation sont deux aspects indissociables de la vie du couple. Sont donc absolument à exclure comme moyens licites de régulation des naissances, l'avortement directement voulu et procuré, même pour des raisons thérapeutiques, ainsi que la stérilisation temporaire ou perpétuelle de l'homme ou de la femme.

« Est exclue également toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation ».

Processus naturels

En revanche, poursuit le texte, l'Église considère comme licite, quand il existe de sérieux motifs d'espacer les naissances, le fait que les époux tiennent compte des rythmes naturels, inhérents aux fonctions de la génération, pour user du mariage dans les seules périodes infécondes.

L'encyclique pare aux objections qui ont déjà été soulevées. L'Église, dit-elle, est conséquente avec elle-même ; dans le second cas, en effet, les conjoints usent légitimement d'une disposition naturelle, tandis que les autres procédés contraceptifs empêchent le déroulement des processus naturels.

Le pape met alors en garde contre les graves conséquences des méthodes artificielles. Que deviendraient la fidélité conjugale, le respect de la femme, si on acceptait de telles méthodes ? Qu'on réfléchisse aussi à l'arme dangereuse que l'on viendrait ainsi à « mettre aux mains d'autorités publiques peu soucieuses des exigences morales ».

Directives pastorales

En défendant la morale conjugale dans son intégralité, l'Église sait qu'elle contribue à l'instauration d'une civilisation vraiment humaine, mais elle sait aussi que l'accueil fait à un tel enseignement sera nécessairement mitigé. D'avance, poursuit le texte, l'Église réplique humblement à ses contempteurs que ce n'est pas elle qui a créé la loi morale, tant naturelle qu'évangélique ; en conséquence, elle ne saurait en être l'arbitre.

Ce qu'elle enseigne, l'Église — qui est mère aussi — sait combien l'application en est difficile. Mais si elle a pitié des pécheurs, elle est convaincue que la loi divine est observable et que les efforts faits par les hommes dans le sens de l'observance sont à la fois « ennoblissants pour l'homme et bienfaisants pour la communauté humaine ». La maîtrise de l'instinct par la raison et la libre volonté, si elle impose une ascèse, loin de nuire à l'amour conjugal, l'approfondit et apporte à la vie familiale des « fruits de sérénité et de paix ».

Mais, observe l'encyclique, la maîtrise de l'instinct ne peut s'exercer que dans un climat favorable à la chasteté. La responsabilité du maintien de ce climat incombe avant tout aux pouvoirs publics, qui, d'autre part, doivent travailler à écarter de ce monde l'accaparement égoïste, le sens insuffisant de la justice, notamment dans les pays en voie de développement, où les problèmes démographiques sont particulièrement graves.

Les appels et les encouragements du pape vont aussi aux hommes de science. Paul VI souhaite que « la science médicale réussisse à donner un base suffisamment sûre à une régulation des naissances fondée sur l'observation des rythmes naturels ». Aux époux chrétiens, le pape souhaite qu'« ils affrontent les efforts nécessaires », afin qu'ils connaissent la plénitude de la vie conjugale. Que les prêtres et les évêques, tout en agissant avec bonté et patience, ne craignent pas d'exercer sans ambiguïté l'enseignement de l'Église sur le mariage.

Appel final

En terminant, Paul VI appelle les fidèles et les hommes de bonne volonté à concourir avec lui à la « grande œuvre d'éducation, de progrès et d'amour » qui doit s'épanouir dans l'observance des lois inscrites par Dieu dans la nature de l'homme.

Genèse de l'encyclique

L'encyclique Humanae vitae, rendue publique le 29 juillet 1968, est le résultat de cinq années de délibérations et de méditation. Peu avant sa mort, en mars 1963, Jean XXIII avait institué une commission extraconciliaire de six membres — trois théologiens, trois laïcs —, chargée d'étudier dans quelle mesure l'Église catholique peut repenser les impératifs de la morale concernant la vie du couple. Paul VI élargit cette commission par l'adjonction de médecins, de sociologues, de théologiens, de ménages, mais aussi de cardinaux ; l'un de ces derniers, le cardinal Ottaviani, est désigné comme président. En juin 1966, le pape est en possession d'un double document émanant de la Commission ; tandis que, dans un long Rapport, la majorité des experts se prononcent pour une « paternité responsable », les minoritaires, dans un État de la question, expriment une opinion nettement plus conservatrice. Concluant alors à plus ample informé, Paul VI diffère sa décision ; celle-ci n'intervient que deux ans plus tard. L'opinion du pape, exprimée dans Humanae vitae, semble n'avoir été que partiellement influencée par les avis de la majorité des membres de la commission pontificale.

Les réactions

Le P. Martelet, S. J., professeur au scolasticat de Lyon-Fourvière, qui, le 29 juillet 1968, présente à la presse française l'encyclique Humanae vitae, déclare spontanément : « Ce document est une réponse pratiquement inacceptable pour certains » ; et il ajoute : « en la lisant, je n'ai pu m'empêcher de penser aux réactions de beaucoup, au scandale, à la douleur, voire au sourire qu'elle risque de provoquer ».

L'entourage du pape

Il ne pouvait en être autrement. Depuis quatre ans, les catholiques et le monde attendaient que le souverain pontife se prononçât sur la régulation artificielle des naissances ; or, durant ces quatre années, nombre d'organismes laïcs ou religieux avaient eu à prendre position en ce domaine. Le fameux problème de la pilule avait fait couler beaucoup d'encre quand est publiée l'encyclique Humanae vitae.