D'autre part, l'étude de la survie à long terme des personnes qui ont subi une greffe du rein montre que, lors des premières greffes, 75 % des reins transplantés étaient rejetés rapidement. Depuis qu'il est tenu compte des groupes tissulaires, la proportion s'est inversée : 75 % de survie.

L'examen minutieux des transplantations cardiaques effectuées dans le monde et notamment aux États-Unis (73 greffes, 20 survies) a montré que, bien souvent, les chirurgiens ne se sont pas entourés de garanties suffisantes et n'ont pas, en particulier, toujours respecté cette norme pourtant absolument impérative du groupage tissulaire.

Le traitement

À cela viennent s'ajouter d'autres difficultés, dont le traitement postopératoire. Si les groupes tissulaires permettent de tenir compte des incompatibilités majeures, il en reste de mineures qui, à plus ou moins long terme, mèneraient au rejet du greffon si elles n'étaient jugulées. Après une transplantation, on doit pratiquer un traitement, dit immunodépresseur, c'est-à-dire qui neutralise les défenses immunologiques.

Divers médicaments, dont la cortisone et l'immuran, utilisés à très fortes doses, et plus récemment le sérum antilymphocyte, ont permis de résoudre partiellement la difficulté qui consiste à établir pour l'organisme un compromis, de façon à abaisser ses barrières immunologiques pour tolérer le greffon, tout en lui laissant au moins partiellement le moyen de lutter contre l'infection. Une maîtrise remarquable du traitement postopératoire s'impose pour qu'un transplanté ait des chances raisonnables de survie. Les recherches se poursuivent pour améliorer la qualité des traitements immunodépresseurs et en réduire la toxicité.

Un équipement complet (dont une unité stérile), un personnel technique hautement qualifié et disponible, une équipe pluridisciplinaire (une trentaine de médecins des horizons les plus divers), une expérimentation animale rigoureuse, sont aussi autant de conditions indispensables.

Problèmes médicaux

Qui est justiciable d'une greffe ? Médecins et chirurgiens n'ont pas encore réussi à déterminer avec précision les cas où une tentative de transplantation est souhaitable. Ils s'accordent toutefois à reconnaître que les candidats à la greffe, qu'elle soit de cœur, de poumon, de foie ou de rein, doivent être relativement jeunes (en tout cas, moins de soixante ans) et surtout ne pas présenter une détérioration importante des autres organes que celui dont la défection exige une greffe.

Comment détecter le rejet ? Pour la plupart des organes, les signes précurseurs qui pourraient dénoncer une réaction de rejet avant qu'elle détermine des lésions irréversibles sont encore inconnus. Pour le rein, les anomalies découvertes lors d'analyses biologiques annoncent le rejet à un stade où le renforcement du traitement immunodépresseur peut encore y remédier ; de plus, le recours possible au rein artificiel en cas d'incapacité fonctionnelle du greffon permet de sauver le malade. Pour le foie, le cœur, les poumons, tous organes vitaux, rien de tel n'est encore possible.

Cette série d'obstacles, que l'expérience de plusieurs centaines de greffes n'est pas encore parvenue à lever, oblige alors à envisager des problèmes d'ordre moral et financier : le droit à une mort paisible, le choix du bénéficiaire d'une greffe, le prix de revient de l'opération doivent nécessairement être pris en considération. On a pu estimer à un million de francs actuels, dont 150 000 F pour l'opération proprement dite, la somme engagée pour la réalisation de la première greffe, parfois la seule, faite dans un hôpital.

Au regard du petit nombre de succès à long terme constatés jusqu'à présent, médecins, pouvoirs publics et profanes se demandent périodiquement s'il convient de continuer à promouvoir, quel qu'en soit le prix, une médecine de pointe extrêmement coûteuse, réservée à un petit nombre d'individus, au détriment d'une médecine de masse que des budgets de la santé sont déjà dans l'incapacité d'assurer convenablement.

L'ordinateur

En attendant que d'autres progrès thérapeutiques (notamment en matière de prévention des maladies cardio-vasculaires) rendent caduques de telles interventions, les recherches continuent dans l'espoir d'améliorer les résultats des transplantations, d'en faciliter le nombre, d'en amenuiser le coût. C'est dans cette optique que sont notamment entrepris des travaux sur les allogreffes (d'organes animaux), les banques d'organes et les procédés de conservation des greffons.