Les entreprises doivent disposer de l'aisance de trésorerie nécessaire à de tels investissements. Il leur faut aussi détenir ou acquérir la fraction de marché qui permet d'écouler la production d'un outil tournant à sa capacité optimale. Elles doivent donc dépasser une taille critique en dessous de laquelle l'action efficace n'est pas possible, et réaliser un chiffre d'affaires tel que leur présence s'impose dans plusieurs secteurs industriels à la fois.

Les grandes entreprises sont donc amenées à prendre la forme d'un groupe diversifié rassemblant des unités spécialisées de grande dimension relevant de domaines plus ou moins cohérents entre eux.

Il ne faut pas sous-estimer l'importance de la volonté humaine dans l'évolution des structures ; qu'il s'agisse de la volonté née dans l'entreprise ou de la volonté extérieure des agents économiques banque, commerce, État.

Cette volonté s'incarne dans des structures de gestion. Ce n'est pas un des moindres progrès de l'économie française au cours des derniers mois que d'avoir pris conscience de la nécessité de se doter des hommes et de l'organisation les plus efficaces, en recourant notamment aux techniques du marketing et du management, en usant des moyens de l'informatique et de la prévision.

Toutefois, la mutation des esprits dans le monde industriel, tardive par rapport aux concurrents américain, allemand, japonais, italien, ne s'accompagne pas d'une semblable évolution dans l'ensemble de l'économie française

Il suffit de citer la vétusté des structures agricoles, l'excès de goût pour l'administration, la rigidité des statuts du secteur nationalisé, l'inadaptation de la formation. Ces activités à rendement économique nul ou négatif prélèvent sur le revenu national, et sur le budget notamment, une proportion d'autant plus importante que, en contrepartie, l'activité proprement productrice, l'industrie, est moins développée.

Manque de continuité

Par le poids qu'il a sur l'économie, l'État pèse lourdement sur le maintien ou sur le changement de ces handicaps. L'idée d'une politique industrielle dynamique et cohérente a fait son apparition dans les milieux dirigeants en 1968, sans avoir pris, jusqu'ici, une forme très précise.

La crise de mai-juin 1968 a orienté l'action du gouvernement vers un dégraissage plus résolu et plus rapide qu'on ne l'avait envisagé des structures périmées encadrant l'industrie. Le gouvernement s'est ainsi attaqué à la multiplicité des circuits et des taux du crédit, au déficit de la SNCF, à la rigidité du système des PTT, à l'exclusive contre le financement privé des autoroutes. Mais il l'a fait autant pour des raisons d'équilibre budgétaire que pour ranimer l'industrie. Aussi, cette action a souvent manqué de continuité.

On s'en est aperçu à l'occasion de trois grandes opérations de concentration : l'automobile avec Citroën-Fiat, le verre avec BSN-Saint-Gobain et l'électrotechnique avec CGE-Thomson-Als-thom, d'une part, et avec Schneider-Empain-Westinghouse, d'autre part.

Dans un cas (BSN-Saint-Gobain) la neutralité, dans deux autres cas l'interventionnisme ; et quand celui-ci se présente, c'est tantôt le nationalisme (électrotechnique) et tantôt l'ouverture aux étrangers ; ici, la sauvegarde de la concurrence (automobile et verre) et là l'institution d'une sorte de blocage du marché.

Deux processus

Le caractère général du processus de concentration est différent selon le degré de concentration déjà atteint dans une industrie. Dans les cas où un grand nombre d'entreprises détiennent chacune une faible part seulement du marché, l'action de l'une de ces entreprises pour se développer en se rapprochant de ses concurrentes est relativement aisée, mais l'opération n'atténue que faiblement la dispersion.

Au contraire, des industries déjà fortement concentrées provoquent des formes de restructuration moins sauvages et moins spontanées, parfois plus rationnelles.

La première situation se rencontre soit dans des industries neuves à fort rythme de croissance (électronique grand public, chimie, loisirs), soit dans des industries traditionnelles restées quasi artisanales ou très fragmentées (textiles, alimentation).