Ces programmes de Royan ont heureusement mis en lumière la prospérité de l'actuelle école italienne, avec des œuvres de Castiglioni, Donatoni, Panni, Paccagnini, Arrigo et Bussoti. Pour les autres pays, on a particulièrement remarqué Automne d'Edison Denisov (URSS), Blocs lumineux de Patrice Mestral (France), Archipel 2 d'André Boucourechliev (France), Tuyen-Lua de Nguyen Thien Dao (Viêt-nam), le Chant des limbes d'Alain Louvier (France), et Nomos Gama de Iannis Xenakis (France).

L'assistance, plus nombreuse que jamais, et surtout composée de jeunes, a participé activement à ce festival, manifestant avec véhémence ses enthousiasmes ou ses critiques et prenant part à de multiples colloques qui ont donné à ces journées un caractère vivant.

Brunhild

À Salzbourg, Herbert von Karajan donne son troisième festival pascal, dont le sommet est, cette année, la représentation du Siegfried de R. Wagner.

Extraordinaire représentation sur le plan musical et sur le plan scénique : la mise en scène de Karajan, les décors et les costumes qu'il a directement inspirés, la conception dramaturgique et la direction de l'orchestre font de ce spectacle une des plus parfaites manifestations de l'art total wagnérien que l'on puisse applaudir aujourd'hui. Sur le plan vocal, bonne distribution, qui nous révèle notamment une nouvelle Brunhild, la cantatrice viennoise Helga Dernesch.

Karajan à l'Orchestre de Paris

La nomination de Herbert von Karajan comme conseiller musical de l'Orchestre de Paris a été obtenue du ministère des Affaires culturelles par le conseil d'administration de l'orchestre, tandis que Serge Baudo est confirmé dans ses responsabilités de chef permanent, à la suite de la mort de Charles Münch. L'Orchestre de Paris s'assure ainsi l'appui du plus prestigieux des chefs actuels : Herbert von Karajan sera consulté sur les programmes, sur l'engagement des chefs et des solistes, et dirigera chaque saison plusieurs concerts de l'Orchestre de Paris, à Paris même et dans différents festivals internationaux (Aix-en-Provence et Salzbourg en 1969, notamment).

Théâtres lyriques

Georges Auric quitte, en juillet 1968, le poste d'administrateur général de la Réunion des théâtres lyriques nationaux (RTLN), n'ayant pas demandé le renouvellement de son contrat. C'est un homme d'administration pure (et non d'origine musicale) qui est nommé à sa place, André Chabaud.

On ne sait pas encore si cette nomination peut être considérée comme transitoire ou si elle se veut valable pour un long terme. A. Chabaud ne semble pas avoir de projets particulièrement spectaculaires pour l'Opéra, et paraît vouloir s'en tenir à l'exploitation courante des ouvrages les plus commerciaux actuellement au répertoire.

Par contre, en désignant le chanteur Jean Giraudeaux comme faisant fonction de directeur de l'Opéra-Comique, on semble avoir mis à la disposition de ce théâtre non seulement un homme actif, mais des crédits inhabituels qui lui ont permis de donner une vie nouvelle à cette scène depuis longtemps moribonde sur le plan artistique. Vie nouvelle ne veut d'ailleurs pas dire lustre nouveau : la troupe de l'Opéra-Comique, en dépit de quelques éléments excellents, demeure faible, et la vieille crise des chefs d'orchestre alourdit encore cette situation. De toutes façons, les deux grands théâtres lyriques parisiens ne pourront pas fonctionner de façon satisfaisante tant que leur actuel statut n'aura pas été réorganisé de fond en comble.

Dans ces conditions d'infortune, Jean Giraudeaux a monté quelques spectacles qui ne sont pas sans mérites. Une première soirée Ravel-Poulenc, avec des reprises de l'Heure espagnole et de la Voix humaine, avec Jane Rhodes, ouvre la saison 1968-69 dans une ambiance de qualité musicale (sinon de qualité scénique, étant donné les initiatives insensées prises par Louis Musy dans la mise en scène).

Une révélation

Suit une soirée Schönberg-Dallapiccola, qui part au moins d'une bonne intention. Malheureusement, les deux ouvrages du premier, Erwartung et Musique d'accompagnement pour une scène de film, donnent lieu à des présentations et à des interprétations discutables, et la reprise de Vol de nuit du second pâtit de l'absence de son metteur en scène initial.