Henri Gougaud, qui a du soleil et un parfum de romarin dans la voix, évoque avec grâce la Camargue et Ulysse.

Parmi les nouveautés les moins conformistes, les œuvres pas comme les autres de Giani Esposito (Un noble rossignol à l'époque Ming), de Jean-Max Brua (Bateaux... Compagnies...) et du barde breton Glenmor, qui dit : Sodome c'est Paris, et Paris c'est la France !

Dans des genres très différents, Anne Vanderlove, de sa voix de cristal, chante les Landes d'Irlande et Le vent qui vient des collines ; Frida Boccara était devenue une vedette en URSS ; Paris l'a redécouverte à l'occasion du Prix Eurovision et de sa belle interprétation de Cent Mille Chansons, d'après un leitmotiv de film de Michel Magne ; Julien Clerc, qui avait interloqué avec la charge — très lourde — de sa Cavalerie, élargit son public avec des chansons comme la Petite Sorcière malade ; Gilles Dreux, après Alouette, connaît un nouveau succès avec Merci, mon Dieu.

Poètes

Chez les nouveaux arrivants, poètes et compositeurs, d'abord Michel Aubert. Sa voix et ses interprétations sont sensibles et très phonogéniques : Si tu voulais, toi, La pluie a cessé sur la plaine. Il faut également suivre avec attention des auteurs comme Jacques Debronckart (Toi qui nais cette année) et tous ceux que Luc Bérimom met en valeur dans son mouvement et sa collection de la Fine Fleur.

Il n'est pas sûr que les ambitions de cette catégorie de chansons à haut niveau poétique portent toujours. Peut-être faut-il à la chanson moins de littérature et plus de chanson. Myriam Anissimov chantant Albertine Sarrazin, c'est bien, mais le succès suivra-t-il les promesses de cette belle rencontre ?

Pierre Perret, qui fait parfois grincer des dents les gens qui ont bon goût, étudie dans un paso à succès les Baisers et leurs diverses catégories. Antoine a chanté à l'Olympia sa Tramontane et son Match de football. Les Sales Gosses, dans Amor, Castagnette et Dali, imitent plaisamment la façon de décortiquer les phrases du peintre espagnol.

Jacques Dutronc, avec la complicité de Jacques Lanzmann, manie habilement la désinvolture et l'insolence dans Transes-Dimanche et le Mytho-femme. Les Charlots sont de charmants lurons dans Aspirine-Tango et Sur la route de Pen'zac. Sur le plan des fantaisistes femmes, il est une certaine Dani qui donne un regain de jeunesse à une rengaine de Chagnon et Pearly, Papa vient d'épouser la bonne.

Et le toujours à la page Tino Rossi poursuit imperturbablement sa carrière, où l'agréable et récent enregistrement de J'avais vingt ans prend place à côté du repressage de la berceuse napolitaine O Ciucciariello.

D'Est en Ouest

On a assisté à une nette poussée de fièvre pour les répertoires de l'Est à partir du succès du Temps des fleurs interprété par Mary Hopkin. Ivan Rebroff, Russe de Paris, remet à la mode tous les airs de la vieille Russie, de Cocher, ralentis tes chevaux aux Bateliers de la Volga, tandis que l'on danse sur les rythmes du casatschok, lancé comme naguère le jerk, le hully-gully, la bossa-nova ou le tamouré.

Les auteurs français du casatschok durent déchanter quand on s'aperçut que son thème ressemblait étrangement à celui de Katioucha du Soviétique Michel Blanter. Cette affaire donna lieu à procès. Les sœurs Poliakoff, qui séparément sont des artistes célèbres (Olga Poliakoff, Odile Versois, Hélène Vallier et Marina Vlady), se sont réunies pour donner la véritable version folklorique qui avait inspiré le Temps des fleurs et qui s'intitule, en fait, les Chemins lointains.

Du côté anglo-saxon, les Beatles gardent leur jeune clientèle avec Ob la di, ob la da ; le tube américain Eloïse rend célèbre en quelques semaines Paul Ryan. Joan Baez, la magnifique, continue à nous envoyer les plus beaux folk-songs des États-Unis, suivie par Judy Collins, qui a le même timbre de voix (Someday soon).

Au tableau d'honneur, le poète, écrivain et auteur de chansons canadien Léonard Cohen, incomparable interprète, dans les demi-teintes de la confidence, de Suzanne et d'autres œuvres comme Stories of the Street, Teachers.