Spectacles

Cinéma

Entre le témoignage et la fiction

Sans pour autant gêner les positions très stables du cinéma de fiction pure, une autre forme de cinéma a fait cette année une offensive remarquée sur les écrans du monde entier. Il s'agit essentiellement d'un cinéma de réflexion dont l'ambition avouée est d'être un regard porté sur la société contemporaine. Avec objectivité ou dans une optique résolument partisane, suivant leurs convictions et leur tempérament, de nombreux cinéastes tentent d'analyser les contradictions et les vicissitudes du monde où nous vivons. Costa-Gavras en France (Z) ; Lindsay Anderson en Grande-Bretagne (If) ; Bo Widerberg en Suède (Ådalen 31) ; Miklos Jancsó en Hongrie (Ah ! ça ira) ; Jaromil Jireš en Tchécoslovaquie (la Plaisanterie) ; Alain Tanner en Suisse (Charles mort ou vif) ; Émile De Antonio aux États-Unis (Viêt-nam année du cochon) ; d'autres encore en Allemagne, en Argentine, en Algérie se sont efforcés d'échapper aux tentations du cinéma de digestion pour témoigner sur leur époque. Il faut également noter que ce ne sont plus les marginaux, les esseulés, les semi-amateurs fiers de leur indépendance qui sont les seuls à entrer en rébellion, mais que bien souvent ce sont les professionnels rompus à toutes les ficelles du métier qui les imitent et les surpassent même en audace.
Paradoxalement, le cinéma français n'a guère été affecté par la crise de mai 1968. Il n'y a que peu de changements dans le nombre des films produits. La baisse du nombre des spectateurs s'accentue encore, mais il semble que la courbe de fréquentation ait de plus en plus tendance à se stabiliser — les chiffres du premier semestre 1969 sont à cet égard nettement encourageants et l'on prévoit une faible remontée dans les années qui viennent. Plus préoccupante est la crise d'inspiration que traversent les jeunes cinéastes. Dans son ensemble, le cinéma français vit sur l'acquis de l'ex-nouvelle vague. Rares sont ceux qui ont pris la relève des Godard, Truffaut, Chabrol, Demy. Les exceptions pour la dernière saison cinématographique se nomment Bernard Paul et son Temps de vivre, Barbet Schroeder, jeune producteur passé à la mise en scène avec More, et le Franco-Hongrois Diourka Medveczy, auteur d'un essai très insolite, Paul.

France

Les années se suivent et se ressemblent, du moins pour Louis de Funès. Par sa seule présence au générique d'un film, il demeure toujours le seul acteur capable de faire grimper au sommet du box office français n'importe quelle œuvre cinématographique, si médiocre soit-elle — ce qui est le cas du Gendarme se marie. Il est à craindre, que, petit à petit, le vent ne tourne pour de Funès s'il s'obstine à gaspiller son talent. L'exemple de Jean Gabin est là pour prouver que les idoles vieillissantes connaissent des échecs commerciaux sévères (Sous le signe du Taureau) si elles ne sont pas épaulées par d'autres idoles plus dans le vent (le Tatoué).

Production 1968

– 117 films, dont 49 sont 100 % français, 43 coproductions à majorité française et 25 coproductions à majorité étrangère.

– 111 films en couleurs, sur les 117 produits.

– Nombre de spectateurs (en millions) : 201,4 en 1968, contre 211,4 en 1967.

– Nombre de spectateurs à Paris dans les salles d'exclusivité : 49,28 % (contre 47,18 en 1967), et dans les salles de quartier : 50,72 % (contre 52,82 en 1967). Prix moyen des places : 7,53 F pour les salles d'exclusivité, 3,67 F pour les salles de quartier.

Un pauvre luxe

Les chiffres de fréquentation obtenus par le Cerveau, de Gérard Oury, sont flatteurs pour le profane. Mais ils camouflent une très sensible déconvenue. Oury, après le Corniaud et la Grande Vadrouille, a cru réussir une passe de trois en tournant, avec un budget à faire pâlir d'envie, une superproduction comique, genre périlleux entre tous. Là où le bât blesse, c'est que le coût de la réalisation s'accompagne d'une étrange pauvreté d'inspiration qui, chose grave, a déçu le public le mieux intentionné.