La présence de ces œuvres médiocres, louées ou, au contraire, jugées telles par l'auteur, avait le mérite de montrer que le critique est nécessairement influencé par son temps, même si ses titres de gloire — comme théoricien ou comme découvreur — le placent parmi les plus grands. Comment ne pas se souvenir du rôle que joua Baudelaire auprès de Delacroix, devenant son défenseur dès son premier Salon, découvrant Constantin Guys, reconnaissant Méryon, saluant Boudin, « le roi des ciels », encourageant Manet, mettant Daumier — et tant d'autres — à leur véritable place. Baudelaire voulait la critique « partiale, passionnée... faite au point de vue exclusif qui ouvre le plus d'horizons ». Fidèle à ses principes, il sut parfois oublier la partialité. Il reconnut à Ingres, qu'il n'aimait pas, des qualités que d'autres lui niaient. Il sut aussi faire le silence au sujet de Courbet — pourtant son ami. Le réalisme de l'artiste le situait exactement aux antipodes de ce que Baudelaire prônait, lui qui tenait l'imagination « pour la reine des facultés ».

Baudelaire estimait la sculpture inférieure à la peinture : il ne trouvait pas motifs d'enthousiasme dans celle que l'on faisait de son temps. L'exposition en montrait donc fort peu. Parmi les quelques pièces : le buste de Mme Sabatier, la Présidente, qui, avec Marie Daubrun et surtout Jeanne Duval, toutes deux évoquées, furent les trois plus importantes amours de l'écrivain.

Le catalogue de ce bel ensemble comprenait près de 800 numéros.

Mondrian (Orangerie des Tuileries, Paris, 18 janvier - 14 avril)

Cette première grande exposition consacrée au peintre hollandais Pietr Mondrian donnait un très large aperçu de l'œuvre du créateur de l'abstraction géométrique.

Déroulant chronologiquement l'œuvre de Mondrian, cette rétrospective montrait les deux périodes de sa carrière. La première d'abord, quand Mondrian se tient dans la ligne de la tradition, ne se montrant ni très personnel ni très doué.

Et puis la seconde période, vers sa quarantième année, au moment où il vient à Paris pour un premier séjour. Là se produit la grande mutation.

Le choc déterminant, qui l'orienta dans une direction nouvelle, ce fut certainement sa rencontre avec la peinture cubiste. Les critiques s'accordent pour affirmer qu'il peignit sous cette influence ses meilleures toiles. Mais les recherches des cubistes ne lui suffisent pas. Il veut aller plus loin. La série des arbres, celle des façades, montrent comment son analyse de plus en plus serrée des formes le conduit à n'en plus garder que des signes. Il aboutit dès 1912 à l'abstraction. Partant toujours de motifs naturels, il parvient à une organisation de lignes et de couleurs ne valant plus que pour elles-mêmes. Déjà, les combinaisons de lignes horizontales et verticales dominent nettement. Complètement détaché de la nature, Mondrian fonde sa peinture sur l'angle droit et les trois couleurs fondamentales, le bleu, le jaune et le rouge, appliquant les règles de son « néoplasticisme » avec une constance et une rigueur implacables.

Revenu à Paris dès 1919, il y restera jusqu'en septembre 1938. À l'approche de la guerre, il part pour Londres. En 1940, il gagne New York, où il mourra.

L'exposition de l'Orangerie, fort complète, permettait de juger dans son ensemble une œuvre jamais présentée en France dans sa totalité.

Chefs-d'œuvre des Arts indiens et esquimaux du Canada (musée de l'Homme, Paris, 25 mars - 9 septembre)

Temple de l'ethnologie, le musée de l'Homme a abrité cette exposition artistique. Et c'est bien d'art qu'il s'agissait ; ces collections venues de onze musées canadiens formaient une synthèse des productions artistiques des civilisations de l'immense Canada.

Les révélations étaient nombreuses, surtout dans la partie réservée aux Esquimaux. Les pièces présentées étaient de découverte récente, généralement situées dans la période comprise entre 500 ans av. J.-C. et l'an 500. Œuvres de petites dimensions, taillées dans l'os ou l'ivoire, elles témoignaient de remarquables qualités plastiques, d'un sens aigu de l'observation, d'un pouvoir de stylisation qui font penser que les objets de l'industrie Dorset doivent être l'aboutissement d'une longue tradition. Un constant souci religieux s'y manifeste. Les objets de la civilisation dite de Thulé, postérieure, sont, eux, beaucoup plus utilitaires ; ils semblent avoir perdu la grâce des dons artistiques.