Les négociations avec le troisième grand parti traditionnel, le Parti libéral (PLP), actuellement dans l'opposition, ont échoué jusqu'à présent : les libéraux ont pris la décision de ne pas participer aux travaux parlementaires de révision de la constitution à la suite de la modification, imposée par la majorité gouvernementale, sur la valeur à attribuer aux abstentions lors des votes concernant cette révision.

Contrairement aux votes unanimes de l'année précédente, les abstentions sont toujours comptées lorsqu'il s'agit d'atteindre le quorum imposé des deux tiers des présents au vote ; mais elles ne sont plus comptées dans le total des suffrages exprimés si le quorum des deux tiers des suffrages est atteint sans elles.

La décentralisation économique

En janvier 1969, le Premier ministre lance un appel radiodiffusé à la population pour lui demander de soutenir les projets gouvernementaux afin de « modifier la structure du pays et de remodeler la Belgique ». Il rappelle, à cette occasion, le désir du gouvernement de voir se réaliser l'autonomie culturelle, la protection des minorités, la décentralisation économique.

Ces projets, s'ils venaient à voir le jour, consacreraient l'existence des deux grandes communautés flamande et wallonne et proposeraient une solution au problème posé par la ville de Bruxelles, qui, située en territoire flamand à l'origine, mais dont la population est francophone dans sa très grande majorité, ne peut trouver place dans aucune des deux communautés.

La question de Bruxelles est au centre des discussions entre la majorité et l'opposition, et entre les membres de la majorité elle-même. Les Bruxellois — notamment les socialistes — se sont, pour la circonstance, unis aux extrémistes wallons (Front des francophones-Rassemblement wallon) pour combattre les extrémistes flamands.

La loi-cadre sur la planification et la décentralisation économique est enfin adoptée, le 21 juin 1969, après un débat confus. Elle prévoit une planification impérative pour les pouvoirs publics et contractuelle pour les entreprises, qui bénéficient d'aides de l'État.

Un autre point noir : l'application de la TVA — qui doit, en principe, entrer en vigueur le 1er janvier 1970 — suscite de vives critiques. Le gouvernement est entré dans la voie de la conciliation, puisqu'il envisage le réexamen des taux de la taxe fixés initialement.

L'ensemble de la vie des partis est dominé par deux tendances opposées. D'une part, la tendance au démembrement des trois partis nationaux s'accentue (le Parti social-chrétien voit ses ailes francophone et néerlandophone évoluer vers la formation de partis autonomes). D'autre part, des voix s'élèvent pour appeler les Belges à se rassembler. Vanden Boeynants, ancien Premier ministre, lance l'idée de constellations politiques nouvelles capables d'unir, au-dessus des partis, des hommes de bonne volonté de tendances diverses.

Le 1er mai 1969, le président du Parti socialiste, Collard, lance un appel pour le rassemblement des forces progressistes. Cet appel s'adresse spécialement à l'aile gauche du Parti social-chrétien.

Début juin, le PLP, réuni en congrès, annonce son intention de devenir un parti à vocation majoritaire rassemblant tous les électeurs qui, en matière sociale et économique, professent des idées libérales.

L'enfant pauvre de la Belgique

Les premiers mois de 1969 sont marqués par plusieurs manifestations organisées dans différentes villes en faveur de la prise en considération des aspirations wallonnes par les autorités.

Le 22 mai, à Liège, le vice-Premier ministre, Auguste Cools (successeur de Joseph Marlot, décédé le 21 janvier des suites d'un accident de la route), et l'évêque de Liège, Mgr Guillaume van Zuylen, prennent la tête d'une manifestation organisée par les syndicats socialiste et chrétien. 60 000 personnes (selon les organisateurs) participent à cette manifestation qui paralyse pendant plusieurs heures le centre de Liège.

Le problème le plus important pour le sud du pays est la nécessité urgente de la reconversion de son industrie, fondée jusqu'ici sur le charbon et l'acier. Les investissements belges et surtout étrangers préfèrent, depuis plusieurs années, la Flandre, plus proche des grands ports, ce qui permet la diminution des frais d'importation pour les matières premières.