Les manifestations tournent à l'émeute. Les facultés sont fermées le 7 novembre. Le lendemain, l'armée ouvre le feu ; 3 étudiants sont tués. Le 10 novembre, le maréchal Ayoub khan échappe à un attentat. L'état d'urgence, proclamé le 12, permet au gouvernement, le lendemain, d'appréhender 16 leaders de l'opposition, dont l'ancien ministre des Affaires étrangères Ali Bhutto. Les désordres s'étendent à toutes les villes du Pakistan.

Début décembre, malgré les concessions faites par le maréchal Ayoub aux étudiants, dont les revendications sont satisfaites, ces derniers décident de poursuivre la grève jusqu'à la démission du chef de l'État. L'agitation gagne le Pakistan oriental et, le 6 décembre, les forces de l'ordre tirent sur la foule à Dacca, tuant 7 personnes. Le 10, les journaux refusent de paraître. Le 13, une grève générale de vingt-quatre heures est observée au Pakistan oriental.

Le 5 janvier 1969, huit partis de l'opposition lancent un ultimatum au président Ayoub khan : ils menacent de soulever le peuple si toutes les libertés ne sont pas rétablies, un nouveau Parlement élu, l'état d'urgence supprimé, les prisonniers politiques libérés. Le maréchal-président refuse. Les affrontements deviennent quotidiens entre forces de l'ordre, d'une part, étudiants et ouvriers de l'autre, causant de nombreuses victimes.

Le maréchal Ayoub lâche du lest

Au terme d'une grève générale sur toute l'étendue du territoire le 14 février, le maréchal Ayoub lâche du lest. Il fait libérer les leaders politiques, lève l'état d'urgence et invite, mais en vain, les formations de l'opposition à négocier. Le 21 février, le chef de l'État annonce qu'il ne sera pas candidat aux prochaines élections présidentielles. Il ne parvient pas, cependant, à endiguer le mouvement populaire. La grève des dockers, le 5 mars, à Karachi, s'étend aux transports, aux hôpitaux, à l'électricité. La situation devient critique dans la Province orientale, où l'on parle de sécession. Sur la demande expresse de l'opposition, le maréchal Ayoub accepte, le 13 mars, l'établissement d'un régime parlementaire fédératif et des élections au suffrage universel.

Mais la violence redouble au Pakistan oriental, où l'on compte, en quelques jours, plus de 60 morts et des centaines de blessés. Le 24 mars, des informations — que certains tiennent pour suspectes — font état d'une marche de paysans sur Dacca, pillant et tuant sur leur passage. Le lendemain, le maréchal Ayoub remet ses pouvoirs à l'armée. Le nouveau maître du Pakistan, le général Yahya khan, commandant de l'armée de terre, proclame aussitôt la loi martiale.

Bilan de 11 ans de pouvoir

Le régime du maréchal Ayoub peut se prévaloir de réalisations indéniables : l'industrie s'est développée, l'indice de production est passé de 100 en 1960-61, à 261 en 1967-68 ; celui de l'agriculture a atteint 138. Grâce à l'importation de semences, à l'utilisation accrue de produits chimiques et à la progression de l'irrigation, le Pakistan occidental assure à peu près, en 1968-69, ses besoins en blé. Le Pakistan oriental, qui passe pour être le parent pauvre, commence à bénéficier de la part qui lui revient dans les investissements : en 1968, il en reçoit la moitié.

Cependant, la population devient plus exigeante et les vices du régime provoquent sa colère. Les vingt familles qui contrôlent l'économie sont les principales bénéficiaires des progrès réalisés ; la corruption atteint des proportions inconnues jusqu'ici au Pakistan ; l'extension de la scolarité va de pair avec la baisse du niveau de l'enseignement ; la démocratie indirecte, fondée sur un système d'élections pyramidal, sert à bâillonner les partis et à étouffer toute forme de contestation.

La politique du général Yahya

Le nouveau président, le général Yahya khan, inaugure donc sa venue au pouvoir en imposant la loi martiale et en interdisant toute réunion publique, manifestation ou grève. Cependant, il promet d'élaborer une nouvelle constitution rétablissant le suffrage universel et une démocratie parlementaire.