Dès le 11 août 1968, il préside à Pékin une réception monstre pour les 20 000 responsables militaires des cinq régions frontières qui n'ont pas encore installé à leur tête un Comité révolutionnaire : Fukien, Szechuan, Yunnan, Sinkiang et Tibet. Tous l'assurent qu'ils suivront « son grand plan stratégique jusqu'à la victoire finale ». Moins d'un mois plus tard, les cinq derniers Comités révolutionnaires sont fondés.

C'est donc un Mao souriant qui préside, de la tribune de la place Tien An Men, le défilé de la fête nationale du 1er octobre. Autour de lui, il n'a gardé qu'un groupe restreint de dirigeants considérés comme sûrs.

Ainsi entouré, Mao, mieux assuré, franchit une autre étape : du 13 au 31 octobre 1968, il réunit à Pékin la 12e session plénière du comité central du parti (la 11e avait officiellement lancé, en août 1966, la Révolution culturelle).

Le comité central destitue Liu

Patiemment, Mao avait attendu, pour lancer cette convocation, que le comité central, autrefois favorable à Liu, soit devenu peu à peu maoïste. Il le prouve aussitôt en destituant, à l'unanimité, le président de la République, Liu Shao-chi, désormais dépouillé de tous ses pouvoirs juste avant la fin légale de son mandat en janvier 1969. Cette destitution est orchestrée de manifestations et de fêtes dans tout le pays.

Il aura fallu deux années à Mao pour réussir ce nouveau coup de force. Deux années d'insultes répétées au « Krouchtchev chinois », dont on critiquait même les autocritiques. Et qui cependant gardait, avec tous ses titres, son appartement de la Cité interdite.

D'après un journal de Hong-Kong, il aurait été destitué parce qu'il avait tenté de fuir vers le Szechuan, l'une des provinces les moins maoïstes. Il aurait même été blessé au cours de son évasion manquée. Il vivrait maintenant en résidence surveillée dans sa province natale du Honan. Sans sa femme, Wang Kwang-mei, « espionne américaine » pour les Gardes rouges et qui n'aurait pas été autorisée à suivre son mari.

Dans cette affaire, Mao fait, encore une fois, bon marché de la légalité, puisque la destitution de Liu aurait dû être votée par l'Assemblée nationale fantôme et les deux tiers des délégués d'un Congrès du parti dont la convocation se fait attendre depuis plus de sept années.

Dernières préparations au Congrès

Le mépris de ces règles indique que Mao est pressé, qu'il veut terminer la « phase combattante » de la Révolution culturelle, qu'il n'a donc plus besoin de la cible no 1 des maoïstes, qu'il veut faire suivre l'élimination de Liu par une épuration qui précédera, dans toutes les provinces, le choix orienté des délégués au prochain Congrès.

Justement, ce même plénum d'octobre 1968 souligne la fin d'une phase de la Révolution culturelle qui a réussi à créer partout des Comités révolutionnaires, et le début d'une autre : la préparation du 9e Congrès du parti, qui sera « convoqué en temps utile, les conditions idéologiques, politiques et organisationnelles étant maintenant réunies ».

En attendant, Mao rédige lui-même le plan d'organisation du nouveau parti rénové, débarrassé des « fonctionnaires » révisionnistes de l'ancien appareil. Un parti sans secrétaire général, où les responsables ne sont plus élus, mais choisis, où les dirigeants sont cooptés. Un parti ouvert aux seuls ouvriers, paysans et soldats, où les intellectuels seront, a priori, suspects. Un parti affirmant la révolution permanente pour lutter contre le révisionnisme et nommant officiellement Lin Piao « successeur désigné du président Mao Tsé-toung ».

Cette désignation promise doit inciter le dauphin à donner des ordres à l'armée qu'il commande pour qu'elle organise des congrès régionaux nommant des délégués maoïstes au grand Congrès national.

Le 9e Congrès du parti communiste chinois s'ouvre finalement à Pékin le 1er avril 1969. Il siège jusqu'au 24.

L'événement était attendu. Mais sa date a peut-être été décidée en fonction des circonstances. Il s'agissait d'exploiter les combats qui opposent troupes chinoises et soviétiques sur la frontière sibérienne de l'Oussouri depuis le 2 mars.

1 512 délégués à Pékin

Les incidents viennent à point nommé pour souligner le rôle essentiel de l'armée, pour fournir aux civils un regain de mystique patriotique et pour mieux faire admettre l'idée d'unité nationale aux régions encore divisées.