La taxe en cascade, par ailleurs, faisait peser une charge plus ou moins lourde selon que le circuit de production ou le circuit commercial étaient plus ou moins longs ; elle favorisait certains circuits aux dépens des autres. La TVA est ainsi un impôt éminemment favorable aux efforts de productivité.

Sur le plan international, la TVA comporte un avantage majeur, dont il faut bien dire que nos partenaires du Marché commun n'ont pris conscience qu'avec un certain retard. En effet, la règle, dans les échanges internationaux, est que les produits sont exportés hors taxes ; quand ils pénètrent dans le pays importateur, celui-ci les frappe d'une taxe équivalente à celle que supporte un produit similaire de fabrication nationale.

Avec un système de taxe en cascade, le pays importateur est bien incapable de savoir quels circuits de fabrication et de commercialisation ont été empruntés par le produit avant qu'il soit exporté. Il ne reste alors à ce pays que la ressource de se livrer à des calculs approximatifs et finalement à appliquer des taxes compensatoires qui se distinguent mal d'un droit de douane pur et simple.

Ce mécanisme comporte aussi des inconvénients pour l'exportateur. L'exportation hors taxes s'opère, en fait, par remboursement à l'exportateur des impôts supportés par ses produits avant l'exportation. La TVA permet un remboursement très rigoureux, au franc près. La taxe en cascade, elle, ne permet qu'un remboursement approximatif et généralement inférieur aux impôts réellement acquittés, dont le montant, l'incidence, est plus lourd que celui de la TVA, puisqu'il y a superposition de versements multiples au Trésor.

La TVA européenne

Le mécanisme subtil est finalement apparu à nos partenaires comme constituant un véritable système d'aide à l'exportation — parfaitement légal et sain —, dont leur conservatisme fiscal aboutissait à laisser le privilège exclusif à la France. Cette prise de conscience, qui ne date guère que de deux ou trois ans, provoque tout à coup une sorte de ruée vers la TVA, les Hollandais demeurant sans doute les moins enthousiastes.

Profitant de ce renversement de tendance — qu'elle avait du reste cherché à provoquer —, la Commission du Marché commun a proposé, en avril 1965, que tous les pays de la Communauté adoptent le système de la TVA. C'était le moyen de mettre la plus grande clarté possible dans les relations commerciales mutuelles, et la meilleure introduction à l'effort d'harmonisation fiscale imposé par le traité de Rome pour l'échéance de 1970.

La concurrence entre grandes entreprises, quelle que soit la nationalité de celles-ci, sera plus franche, plus loyale. Le système des taxes en cascade avantageait les grands groupes industriels intégrés, dans la mesure où les intermédiaires étaient supprimés dans le processus de fabrication d'un produit de la matière brute au stade terminal d'utilisation ; aussi les grands trusts allemands étaient-ils les plus farouchement hostiles à l'introduction de la TVA sur leur territoire.

Baisse de recettes

Avec la TVA, les industriels hésiteront moins à sous-traiter certaines fabrications à de petites entreprises indépendantes, puisque le produit final n'aura pas à supporter une charge fiscale supérieure, quel que soit le nombre de transactions supplémentaires dont il fera l'objet.

Avec la TVA, l'assiette de l'impôt s'est trouvée élargie ; il a été possible d'en diminuer le taux. Même ainsi réduit, le taux moyen français reste supérieur à celui de la TVA allemande, en raison de la part très importante prise par les impôts indirects dans la fiscalité française.

Le problème des recettes compensatrices s'est, du reste, posé dès 1968, et il est indéniable que le gouvernement a consenti un sacrifice important pour que la réforme soit acceptée (près de 2 milliards de moins-values fiscales).

Les premiers mois de l'année 1968 devaient constituer à cet égard un test capital et les résultats obtenus au premier semestre semblent bien confirmer le succès attendu. Grâce à une campagne d'information sans précédent, les commerçants ont rapidement pris conscience que, malgré ses complications évidentes, la TVA rendait leurs investissements beaucoup moins onéreux (de 15 % en moyenne, d'après les calculs des experts).

Les prix de détail, qui ont accusé une hausse de 1,1 % en janvier 1968, se sont stabilisés dans les mois suivants, et, peu à peu, la nouvelle fiscalité est entrée dans les mœurs.