Les désastres naturels survenus en France en 1967 semblent cependant peu de chose auprès du tremblement de terre qui ébranla la Sicile au mois de janvier 1968. Dans l'ouest de l'île, des villages entiers se sont effondrés en quelques secondes. Les fermes isolées dans la campagne ont connu le même sort. Une localité comme Montevago a compté à elle seule 86 morts : la moitié, quelques semaines après le drame, n'avaient encore pu être dégagés des décombres, d'où se dégageait une horrible odeur de décomposition. Bilan approximatif : 200 morts, plus de 500 blessés, environ 9 000 maisons totalement détruites, et bien davantage encore endommagées — en un mot 200 milliards de lires de dégâts.

L'organisation des secours en Sicile était difficile. Elle a été jugée défectueuse et a suscité de nombreuses critiques en Italie.

La fin des Guerini

Le milieu marseillais, au début du mois d'août 1967, a subi un véritable traumatisme psychologique. L'impensable s'est produit : la police a osé mettre sous les verrous Barthélémy Guerini, plus connu sous le diminutif de Mémé.

Mémé, qui depuis des lustres était gratifié du titre prestigieux (et aussi quelque peu légendaire) de juge de paix du milieu et dont la boîte de nuit, le Méditerranée, sur le Vieux-Port, passait pour le Saint des Saints de l'aristocratie truande ! C'était un règne et un mythe qui s'effondraient.

Mémé Guerini a été perdu par cela même qui avait fait sa fortune et celle de son clan : le sang corse. Le frère aîné, Antoine, avait débuté comme garçon de café à Marseille, où il avait débarqué en 1917, à l'âge de quinze ans, avec 100 francs en poche et en tête le rêve des insulaires — faire fortune. Il va se tailler d'abord une place dans le commerce de la prostitution. Après, il achète un petit bar, puis des hôtels, des cabarets, fait venir ses frères : François et Mémé. Avec l'argent vient même une façade de respectabilité pour toute la famille — qui a la réputation de ne jamais pouvoir être prise en défaut par la loi.

Or, le 23 juin, éclate le drame qui va entraîner tous les autres : Antoine est assassiné par un tueur qui circule à moto. Après des funérailles quasi nationales à Calenzana, dans l'île de Beauté, les Guerini sont possédés par un autre démon du sang corse : la vengeance, la vendetta ! Mémé mobilise ses lieutenants. Il faut d'abord découvrir qui a eu l'audace de faire couler le sang d'Antoine.

C'est alors qu'un incident va contribuer à égarer définitivement le patron du Méditerranée. Aux lendemains de l'enterrement d'Antoine, la villa de ce dernier, à Marseille, est cambriolée. Des bijoux d'une valeur de 140 000 F sont dérobés à la veuve. Les voleurs vont les proposer à un receleur, qui alerte les Guerini. Pour ceux-ci, il n'y a aucun doute : les malfaiteurs sont associés aux bandits qui ont abattu Antoine ; au crime, ils ont ajouté la provocation et la profanation.

Fatale erreur : les cambrioleurs, en réalité, ne connaissaient rien du Gotha » du milieu marseillais et le nom de Guerini leur était inconnu. C'étaient deux amateurs. L'un, un Espagnol, a pris la fuite avec sa part des bijoux. L'autre, Claude Mandroyan, un garçon de café originaire de Besançon, accepte de rendre les joyaux en sa possession et même de s'expliquer. Il ne sera pas cru. Son cadavre est retrouvé, dans la seconde quinzaine de juillet, entre Cassis et La Ciotat. La tête est trouée de neuf balles, les membres portent des traces de torture.

Le départ de Mandroyan pour sa tragique promenade avait cependant eu un témoin, sa maîtresse. Sa déposition entraînera l'arrestation de trois des auteurs du crime. Quelques jours plus tard surviendra celle de Mémé, puis de son frère Pascal. Ils nieront toute participation à l'assassinat, mais sans convaincre ; leurs demandes de liberté provisoire seront rejetées. Ils resteront aux Baumettes en attendant que la justice se prononce.