Alpine-Renault, de son côté, confirme sa présence active en classant quatre voitures parmi les seize qui terminent les 24-Heures du Mans 1967.

Dans le même temps, la Fédération française du sport automobile échappait à la tutelle de l'ACF et se donnait un programme ambitieux de rénovation. Sa première réussite majeure va être le lancement des courses de Formule France, réservées aux débutants, et qui ne vont pas tarder à révéler les champions de demain.

C'est au début de 1968 que la presse internationale commence à évoquer le « péril bleu ». Dans les ateliers, on prépare fébrilement les voitures susceptibles de remettre la France dans la course. Matra, qui bénéficie d'un prêt gouvernemental de 6 millions de francs, et de l'appui du nouveau groupe pétrolier national Elf, met au point une monoplace de formule 1 entièrement française, équipée d'un tout nouveau moteur V 12, construit à Vélizy.

La jeune firme française définit ses objectifs : championnat du monde des conducteurs (formule 1) en 1969, 24-Heures du Mans en 1970.

Tout en travaillant à l'accomplissement de ce programme ambitieux, Matra enregistre une série impressionnante de succès dans les premières courses de formule 2 disputées en 1968. Cependant que Jackie Stewart triomphe à Barcelone et à Pau, J.-P. Beltoise l'emporte à Hockenheim et à Madrid, devant les meilleurs spécialistes. Et Matra ne tarde pas à s'affirmer aussi en formule 1. On trouve Beltoise en tête à Madrid, Servoz-Gavin mène à Monaco, et Stewart à Spa, avant le premier grand triomphe : Stewart et Beltoise, premier et deuxième à Zandvoort, donnent à la France son premier succès en quatorze ans.

Alpine-Renault, dans le même temps, mise tout sur Le Mans. Condamné jusque-là aux petites cylindrées, Amédée Gordini crée un moteur V 8 de 3 litres. Sans être aussi rapide que les Porsche de même cylindrée — et à plus forte raison que les Ford GT 40 de 4,7 litres, qui leur sont opposées —, les Alpine-Renault apparaissent compétitives dès leurs premières sorties. À Sebring, en mars, l'Alpine pilotée par Mauro Bianchi se trouve en cinquième position lorsqu'elle est éliminée par suite d'un incident mécanique mineur. Aux 1 000 km de Monza, en avril, elle prend la troisième place, derrière une Ford et une Porsche. L'espoir renaît dans un pays où la passion pour le sport automobile est plus vive qu'elle ne le fut jamais.

Dans les rallyes, Alpine-Renault continue de tenir la place de challenger des Porsche. Larrousse, le plus brillant des pilotes français dans les courses sur route, échoue de peu au Rallye de Monte-Carlo.

Peugeot, qui ne participe officiellement à aucune course en Europe, triomphe une nouvelle fois — par l'intermédiaire d'une équipe engagée par son importateur au Kenya — dans le plus difficile de tous les rallyes : le Safari est-africain.

Le prochain concurrent qu'attendent les Français s'appelle Citroën : son accord avec Maserati devrait lui permettre, à terme, de briller, lui aussi, sur les circuits, où seuls Matra et Alpine-Renault ont défendu jusqu'ici la couleur bleu de France.

Une année tronquée

À tous égards, l'année automobile apparaît comme une année tronquée, saison de transition perturbée par des réglementations nouvelles, des accidents nombreux et dramatiques, et des causes fortuites qui ont entravé son développement normal.

La limitation à 3 litres de la cylindrée des prototypes a profondément bouleversé l'aspect de toutes les courses d'endurance.

Ford, qui avait dominé la saison précédente avec ses prototypes de 7 litres, s'est officiellement retiré des courses européennes. Ferrari, de son côté, a renoncé, temporairement, aux courses d'endurance, pour porter tout son effort sur les épreuves de vitesse.

Dans ces conditions, la saison a été dominée par deux équipes : la formation officielle de Porsche et l'écurie privée de l'Anglais John Wyer, qui alignait 2 Ford GT 40 dans les principales épreuves. Avant même de disposer de son nouveau prototype de 3 litres, Porsche a dominé, avec ses voitures de 2 200 cm3, les courses de Daytona et de Sebring, la Targa Florio et les 1 000 km du Nurburgring. Les GT 40 de John Wyer ont triomphé, de leur côté, à Brands Hatch, Monza et Spa-Francorchamps. Les 24-Heures du Mans devaient départager définitivement les deux rivaux. Mais les événements survenus en France en mai et juin ont imposé la remise à septembre de l'épreuve mancelle, dont on craignait qu'elle ne fût affectée par les éléments extérieurs propres à la saison (nuit plus longue, brouillard, pluie).