La mode

Automne-hiver : règne du marron, pas de révolution dans la silhouette

Estompant les coloris stridents de l'été, effaçant jusqu'au souvenir des flots d'argent de l'hiver précédent, le marron fait florès. Marron roux, marron brûlé, marron chaud, profond comme le plus marron de tous, dit tête de nègre, il règne sur l'essentiel et sur l'accessoire, étend son empire aux lainages et aux cuirs. Parce qu'il est de tous les âges et de tous les milieux, la confection à grande diffusion l'exploite, les grands magasins en font leur couleur pilote.

D'autres coloris, il est vrai, jettent des feux (vert sapin, rouge, bleu olympique). Le noir-noir flatteur, rajeuni et qui met en évidence tous les détails, le teint, la coiffure, les accessoires, rencontre toujours la faveur des élégantes, mais ne peut ravir au marron sa suprématie saisonnière.

Chaleur et confort

Tous les tissus s'y soumettent : flanelle, bure, gabardine, crêpe. Sauf peut-être les tweeds, chinés, boutonnés, mouchetés, à chevrons ou rayés, Donegal ou Harris tweed.

D'allure plus masculine, d'ascendance pareillement britannique, les quadrillés, prince de Galles et autres écossais assurent aussi par leur moelleuse chaleur le confort de cet hiver.

Autre vedette, la jupe-culotte. Elle peuple les rues de silhouettes écourtées, trouble le jugement et les pronostics (15 000 modèles ont été vendus en un mois dans un seul grand magasin). Contestée autant que la minijupe, elle accentue le conflit des générations. Seules, les adolescentes, les jeunes femmes aux hanches minces peuvent la porter sans fausse note. La femme de trente ans pour s'y rallier doit invoquer sa vocation sportive, ou l'adapter très librement et dans une version à peine provocante (jupe-culotte portefeuille, pantalon souple de jersey ou de crêpe, et même fausse jupe-culotte simulée par des plis), lui ôtant sa rigueur et sa précision.

Nouvelle longueur

Moins en faveur du côté de Picpus ou de la porte des Lilas, la jupe-culotte, en gabardine, en tweed, fourmille sur les Champs-Élysées. Ses compléments d'objet directs sont le chandail shetland ceinturé, ou le blouson, les chaussures-sabots ou les bottes.

Pour allonger la ligne, les bas sont choisis dans le ton du vêtement : tête de nègre ou fumée, mats ou transparents, à côtes, à ramages. Les jambes s'affinent encore dans des bottes cuissardes en agneau patiné ou glacé, ou en veau velours, ajustées, montant si haut que certains les ont baptisées « hauts de chausses ».

Au niveau de l'ourlet règne la plus grande liberté, voire l'anarchie. De belles jambes se montrent à mi-cuisse, d'autres se dissimulent à mi-mollet. Entre ces deux extrêmes flottent, au ras du genou, quantité de jupes atten-tistes, ignorant quel caprice du vent les mettra la saison prochaine à la page.

Les femmes méditent encore sur cette nouvelle longueur que certains suggèrent sans vouloir, ou sans pouvoir l'imposer, qui préfigure peut-être la mode de demain, ou bien d'après-demain, que certains couturiers encouragent sans abandonner la minijupe, allant jusqu'à soutenir les deux tendances sur un même mannequin : jupe courte et manteau long.

Capes pour tous les goûts

La transition se fera peut-être sous cape. Présentée à plusieurs reprises dans les collections précédentes sans éveiller l'intérêt, la cape a connu soudain un succès foudroyant. Il s'en est vendu à tous les prix (et même à moins de 100 F). En la retrouvant, en la découvrant, les femmes s'y sont blotties avec des gestes frileux.

En tweed, en bure, en ratine, en loden ou en jersey pour le jour, la cape devient pour le soir l'écrin d'un dandysme raffiné, fait d'un goût très vif pour le noir, pour le velours, pour les tailleurs-smokings à veste longue légèrement cintrée et culotte courte à la française, pour les blouses de soie portant jabot ou cravate cavalière et poignets volantes, pour les gilets précieux, les grands chapeaux à larges bords, sans plume, mais non sans panache.

Ce romantisme de chiffon prend d'autres expressions. L'exploitation commerciale d'une version filmée du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier permet aux jeunes filles de trouver leur rêve à la boutique. Sensibles au charme délicat de Geneviève de Galais, elles sont, comme elle, vêtues de velours et de moire à reflet de bronze, parées de cols blancs, de guipure, de dentelle. Ou bien, imitant Lara, l'héroïne du roman de Boris Pasternak porté à l'écran, elles choisissent dans la foule des idées de mode traduites du russe, les blouses en crêpe blanc à manches longues et boutonnage sur l'épaule, les bonnets de renard, les longues jupes de drap battant les bottes, tout un faux folklore qui ouvre la voie aux redingotes largement croisées, aux houppelandes de tweed ourlées de fourrure et aux imperméables allongés.