« Dans une société en pleine mutation, déclara le professeur Lichnerowicz, l'école doit faire face. Au lieu de se sentir le témoin de temps révolus, elle doit contribuer puissamment à modeler la société. L'enfant ou le jeune homme doit faire son éducation d'homme et de citoyen plutôt qu'être enseigné, il doit apprendre à s'informer, à communiquer avec l'autre, à participer à une œuvre commune. Il doit devenir infiniment plus actif, curieux, adaptable, autonome. Au total, il doit être capable de devenir, dans une société elle-même en plein devenir et dont les constantes de temps sont maintenant de l'ordre du dixième d'une vie humaine. »

Cinq points étaient proposés :
– finalité de l'enseignement et situation nouvelle de l'enseignant ;
– l'éducation artistique et culturelle dans la formation de l'individu ;
– l'évolution des structures des établissements ;
– la formation initiale et la formation permanente des maîtres ;
– la recherche en éducation.

Révision totale

Les participants au colloque d'Amiens soulignent qu'aucune des mesures qu'ils proposent ne peut être prise sans que les finalités et la conception même de l'école et de l'enseignement soient soumises à une révision totale.

Ils souhaitent qu'une conception plus fine et plus globale de l'éducation se développe chez l'enfant, avec le goût des connaissances, l'aptitude au changement, à la créativité. Elle devra inciter l'enfant à la participation et au dialogue. Une telle conception de l'école à tous les niveaux implique la transformation des relations pédagogiques, la réforme des institutions et de la vie scolaire, la constitution d'équipes d'enseignants travaillant de façon coordonnée.

L'école doit rompre avec l'individualisme et le paternalisme ; elle doit promouvoir, dans l'intérêt de l'enfant, la coopération entre les enseignants, les élèves et les parents, être ouverte sur l'extérieur et favoriser les contacts avec le monde du travail en étant intégrée dans le cadre de l'éducation permanente.

Cette école rénovée aura des maîtres préparés à remplir leur fonction par une formation initiale et une formation continue. Leur formation professionnelle, aujourd'hui très insuffisante, devrait se faire en grande partie par la pratique effective du métier, c'est-à-dire par des stages en situation de responsabilité. Ces stages pourraient être précédés par une expérience dans des mouvements de jeunesse ou d'éducation populaire.

Si le colloque d'Amiens évoquait les problèmes de l'école dans leur globalité, d'autres travaux pédagogiques importants peuvent retenir l'attention, au niveau des disciplines. Après la révolution commencée il y a quelques années dans l'enseignement des mathématiques, on a assisté en 1968 à l'amorce d'une rénovation dans l'enseignement du français.

La langue parlée

Au cours d'un débat organisé par la Librairie Larousse, des linguistes ont présenté à une centaine de responsables de l'Education nationale leur point de vue sur l'enseignement du français et plus particulièrement de la grammaire.

La linguistique moderne, qui applique la méthode structurale, se donne pour objet d'étude la langue telle qu'elle est réellement parlée. Or, la grammaire traditionnelle enseigne tout autre chose que notre langue. « Les manuels que nous utilisons, déclarait J.-C. Chevalier, professeur à la faculté de Lille, datent du xviiie siècle. Leur but était double : permettre l'apprentissage du latin et fournir un système de règles rigoureuses et volontairement difficiles, pour former l'esprit. »

La majorité des enfants fait mal le rapprochement entre la langue apprise à l'école et la langue qui se parle dans la vie quotidienne. L'équipe de pédagogues qui, aujourd'hui, tente, en s'appuyant sur l'enseignement des linguistes, de réformer l'enseignement du français, constate que les élèves retardés le sont principalement par le déficit en langage et qu'ils appartiennent pour la plupart aux couches défavorisées de la population.

Échange d'informations

Un enseignement rationnel de la langue française à l'école élémentaire devrait tenir compte de ces faits et chercher à toucher les élèves au niveau du réel. La psychologie génétique nous montre qu'il n'y a pas de progrès durables dans le langage sans besoin de s'exprimer et de comprendre. Des populations africaines, par exemple, alphabétisées en quelques mois par des méthodes déclarées excellentes, se désalphabétisent quelques mois plus tard lorsqu'elles ne se sentent pas concernées par cette alphabétisation.