D'autre part, pour substituer le sérum antilymphocytaire, dénué de toxicité, aux immuno-suppressifs chimiques dont il possède à peu près les propriétés puisqu'il détruit les lymphocytes étrangers, porteurs des antigènes responsables de la maladie du rejet. En France, l'Institut de cancérologie et d'immunogénétique (Villejuif) et les Laboratoires Choay fabriquent ensemble un nouveau sérum mis au point par l'équipe du professeur Georges Mathé.

Indication idéale

Le professeur Charles Dubost, cardiologue et chirurgien cardio-vasculaire de l'hôpital Broussais, à Paris, justifie le 12 mai 1968 sa réputation de prudence. Ce jour-là, ayant rejeté toute indication hasardeuse, et la construction de son unité stérile étant achevée, il transplante, avec les professeurs agrégés Jean-Paul Cachera, Michel Lacombe, Philippe Blondeau, Guéry (anesthésiste) et le docteur Carpentier, chez un dominicain de Marseille, le R. P. Damien Boulogne, le cœur de M. Gaugirand, célibataire, qui, à 39 ans, vient d'être terrassé par la rupture d'une artère cérébrale.

Le cas du religieux constitue une indication idéale, tant sur le plan chirurgical que sur le plan moral. Âgé seulement de 57 ans, ses artères coronaires sont pratiquement obstruées par des athéromes, sorte de bouchons graisseux, et il fait environ 30 crises d'angine de poitrine par jour, déclenchées par le moindre mouvement. Alité depuis deux ans, il sollicite, dès janvier 1968, le bénéfice de la transplantation cardiaque en toute connaissance de ses risques. En dehors de traces minimes d'une tuberculose pulmonaire non évolutive, remontant à 1961, il ne présente aucune autre atteinte viscérale que celle du cœur.

Après un mois de vie en chambre stérile, le R. P. Damien Boulogne vit, désormais, dans une chambre normale.

Au 30 juin 1968, 23 greffes du cœur avaient été réalisées dans le monde ; 7 opérés restaient en vie, dont P. Blaiberg. Fait notable, 4 greffes ont été effectuées dans des pays du tiers monde : Inde, Brésil, Argentine et Chili.

L'immunologie : une clef universelle ?

La place de l'immunologie, partie de la médecine qui étudie la résistance de l'organisme vivant à l'intrusion d'un élément étranger, ne cesse de croître. De plus en plus, les réactions immunologiques paraissent fournir l'explication de certaines affections.

Ainsi, le Dr Lucien Scebat, directeur du Centre de recherches cardiologiques de l'association Claude-Bernard, à Paris, a démontré que, beaucoup plus que la présence de matières grasses et de cholestérol dans le sang, l'altération de la paroi artérielle, associée à une déviation de la fabrication des anticorps, est responsable de l'artériosclérose, la maladie des artères bouchées. Dans ce cas, les anticorps, ces forces de police spécialisées dans l'attaque d'un ennemi déterminé, en l'occurrence les artères étrangères, vont aussi attaquer toutes les parois artérielles, provoquant l'apparition de lésions dans les vaisseaux.

Il se produit alors une réaction en chaîne et chaque nouvelle lésion entraîne l'apparition de nouvelles vagues d'anticorps. Certaines de ces lésions se transformeraient alors, elles-mêmes, en cholestérol, ce qui prouverait que celui-ci ne peut seul donner l'artériosclérose.

De même, une forme de rhumatisme redoutable, la polyarthrite chronique évolutive, serait due au phénomène de tolérance immunologique des cellules du système lymphatique, qui, acquis au cours de la vie utérine et devant normalement persister toute la vie, serait endommagé par différents mécanismes, qui aboutissent tous effectivement à une auto-immunisation.

Comme pour l'artériosclérose, l'anticorps formé contre un antigène des tissus similaires étrangers se retournerait contre ses propres tissus, provoquant une destruction cellulaire par auto-immunisation. C'est le putsch à l'échelon des tissus. Le facteur rhumatismal est un anticorps envers les gamma-globulines propres altérées, autrement dit les protéines du sérum porteuses des anticorps. Ce facteur rhumatismal a été retrouvé en abondance dans les tissus articulaires et le liquide synovial de nombreux malades.