Le professeur Christiaan Barnard et son frère le docteur Marius Barnard, son assistant habituel, s'étaient préparés à cette opération humaine pendant un an, en la pratiquant sur des chiens. Sa technique définitivement au point, le Pr Barnard choisit un sujet dont l'état, de l'avis des cardiologues, était désespéré. Louis Washkansky, qui avait fait un infarctus du myocarde étendu et plusieurs rechutes, souffrait d'une insuffisance cardiaque gravissime et d'un diabète, et se refusait à tout régime. Il était considéré comme perdu à court terme.

Aussitôt après le constat de la mort du donneur, une jeune fille de 25 ans, Denise Anne Darval, son cœur est rapidement exposé par une section chirurgicale du sternum. Un anticoagulant naturel, l'héparine, est injecté dans le système circulatoire, lequel est ensuite relié à une machine cœur-poumon. Tandis que celle-ci assure l'oxygénation continue du sang, donc la survie du cœur, la température de ce dernier est abaissée aux environs de 16 °C.

À ce moment, la machine cœur-poumon est arrêtée et l'on excise le cœur en sectionnant les différents vaisseaux qui le couronnent au niveau des oreillettes. Puis il est mis en attente dans un bain de sérum refroidi à 10 °C.

Quelques instants auparavant, le cœur de Louis Washkansky, dont la circulation était reliée à une autre machine cœur-poumon, avait été également excisé, mais en laissant en place une partie de la paroi de l'oreillette droite, portant les veines caves, et une partie de celle de l'oreillette gauche, portant les veines pulmonaires. Ainsi la cavité thoracique du receveur offre-t-elle une sorte de moignon cardiaque auquel le cœur du donneur, après excision des parties correspondantes, pourra être solidement amarré.

En procédant ainsi, le professeur Barnard diminue considérablement la durée de l'intervention et, du même coup, l'intensité du choc opératoire.

Néanmoins, la première tentative du Pr Christiaan Barnard se solde par un demi-échec : Louis Washkansky meurt, 18 jours après la transplantation, « d'une défaillance respiratoire due à une double pneumonie ».

Chirurgicalement, c'est un succès, car le rejet habituel dans toute greffe paraît avoir été jugulé par l'administration associée de radiations et de drogues chimiques dites « immuno-suppressives », telles que l'Imuran, et de corticoïdes qui ont pour effet d'abaisser les réactions de l'organisme contre la présence d'un organe étranger.

Greffes expérimentales

Ce résultat n'a pas été acquis spontanément. La transplantation cardiaque chez l'homme a été précédée de quelque 2 000 greffes de cœur chez l'animal.

Pour le rein, il avait fallu accomplir, dans le monde, plus de 10 000 greffes expérimentales avant de commencer chez l'homme. Le foie en a nécessité plus de 1 500. Pour les poumons, le nombre des transplantations effectuées chez l'animal dépasse 1 000, pour 8 chez l'homme. Pour le pancréas, plus de 1 000 greffes chez l'animal ont conduit à 4 transplantations chez l'homme, réalisées en majorité par le professeur C. W. Lillehei, de Minneapolis, et ses collaborateurs, avec une survie maximale de 4 mois et demi.

C'est à la même équipe chirurgicale que l'on doit la seule greffe d'intestin tentée chez l'homme et qui n'a tenu que quelques heures, bien qu'elle ait été précédée de 500 transplantations chez l'animal.

La première transplantation d'un thymus a été réalisée à Londres par le professeur H.E.M. May, du Royal Marsen Hospital, sur un bébé de sept mois, né sans cette glande qui agit sur la croissance et la formation des lymphocytes. Ce n'est que le 6 mai 1968, lorsque le transplanté a dix-huit mois, que la greffe, alors réussie, est révélée par le professeur William M. Cleveland (Miami, USA).

La transplantation du cœur a soulevé dans le public un extraordinaire intérêt, qui ne paraît pas seulement lié à son caractère de viscère unique et vital, puisque la transplantation du foie, organe présentant les mêmes particularités, n'a jamais suscité, ni chez l'homme de la rue ni chez les spécialistes, des discussions et des controverses aussi passionnées.

Seconde transplantation

Ainsi, bien que la seconde transplantation cardiaque effectuée par le professeur Barnard, le 1er janvier 1968, sur un dentiste, le docteur Blaiberg, ait été un succès encore plus net, puisque le patient a ensuite retrouvé une vie pratiquement normale, certains chefs d'école cardiologique en France et en Grande-Bretagne font le procès du célèbre chirurgien sud-africain.