Actuellement, les trois bases sont toujours vides. L'éruption a été brève (un nouvel îlot d'une soixantaine de mètres de haut a surgi du lagon qui occupe l'ancien cratère) et des équipes ont pu débarquer sur l'île de la Déception pour empaqueter les équipements divers. Lors du prochain été antarctique, à la fin de 1968, les Britanniques enverront sur l'île de la Déception une expédition composée principalement de géologues et de géomorphologues. Ces spécialistes examineront le volcan et, selon leur avis, les hivernages reprendront ou non dans l'île.

L'âge de l'Antarctique

Deux observations intéressantes ont été faites sur l'âge de l'Antarctique. Des géologues de l'Institut d'études polaires de l'université de l'Ohio ont découvert à 500 km du pôle Sud, dans les montagnes Transantarctiques, le premier fossile de vertébré continental.

À première vue, la trouvaille est modeste : un bout de maxillaire long de 6,3 cm, large de 3,5 cm. Cependant elle apporte un argument important aux partisans de la dérive des continents. L'animal à qui appartenait ce fragment d'os était en effet un amphibien continental (vivant sur terre ou dans l'eau douce) de la sous-classe des labyrinthodontes.

Les labyrinthodontes ont constitué le groupe dominant chez les amphibiens depuis le paléozoïque récent (350 millions d'années) jusqu'au mésozoïque ancien (200 millions d'années). Le spécimen des montagnes Transantarctiques a dû vivre il y a environ 200 millions d'années. Or on avait déjà trouvé des fossiles de la même sous-classe en Australie et en Afrique du Sud dans des roches sensiblement du même âge que celles d'où l'on a extrait l'individu antarctique.

Selon les tenants de la dérive des continents, une partie de l'Antarctique et de l'Amérique du Sud, l'Afrique du Sud, l'Australie, l'Inde seraient des fragments d'un seul continent ancien, le Gondwana. Après s'être séparés les uns des autres, les divers morceaux du Gondwana auraient peu à peu dérivé vers leurs positions actuelles. Il est évident que la découverte d'une faune continentale — déjà des similitudes dans la géologie et la flore avaient été remarquées — apporte un argument de poids aux partisans de la dérive des continents.

Autre précision sur l'âge de l'Antarctique ou plutôt sur l'âge de la calotte glaciaire qui recouvre le continent : de la glace était déjà en place il y a plus de 2,7 millions d'années. Des chercheurs américains ont en effet trouvé, dans la Taylor Valley, à environ 110 km de McMurdo, des dépôts volcaniques reposant sur une surface antérieurement modelée par une glaciation. Laves et cendres ont été datées par la méthode potassium-argon : 2,7 millions d'années au moins.

Au miocène

Or l'érosion glaciaire qui a modelé la surface s'est exercée avant la mise en place du matériel volcanique. Cette ancienneté des glaces antarctiques est confirmée par l'analyse de débris d'érosion glaciaire retrouvés par carottage des fonds de l'océan Antarctique. Cette analyse a prouvé que les glaciers antarctiques donnaient naissance à un maximum d'icebergs il y a déjà 2 à 3 millions d'années. En 1963, des travaux analogues furent menés à 1 000 km de la station Byrd sur la côte de la mer de Bellingshausen : les temps miocènes, il y a 22 millions d'années, avaient déjà connu une glaciation.

Non loin de la station Byrd les Américains ont réussi à forer l'inlandsis jusqu'au socle rocheux. Ils ont ainsi prélevé une carotte de glace d'un diamètre d'une douzaine de centimètres et d'une longueur de 2 135 mètres (en morceaux il est vrai). Des fragments du socle ont aussi été remontés pour analyse.

Il a fallu plus d'un mois pour mener à bien l'opération. Mais le plus important reste à faire. Les morceaux de carotte ont été envoyés dans un laboratoire de Hanover (New Hampshire). Là on espère en tirer de multiples informations sur les conditions climatiques et atmosphériques qui régnaient dans l'Antarctique il y a plusieurs dizaines de milliers d'années. Peut-être en obtiendra-t-on aussi des précisions sur la vitesse d'accumulation de la neige et des poussières météoriques, sur l'écoulement de la neige, sur la physique de la glace, sur la nature du socle rocheux.