La danse semble se cantonner dans une fausse forme moderne qui risque de mettre en danger l'avenir du ballet.

Un spectacle total

Les chorégraphes français Charrat, Béjart, Petit, Lazzini, Descombey, accoutumés à être qualifiés, malgré leur âge mûr, de jeunes chorégraphes, ont cependant créé de nouveaux ballets ; mais ces créations n'accusent aucune évolution artistique.

Toujours à la tête du Ballet du XXe siècle, Maurice Béjart donne au palais de Chaillot la Messe pour le temps présent, créée l'été précédent au Festival d'Avignon.

Ce ballet se veut spectacle total. C'est une suite en neuf épisodes, sans décor, un rituel magique mis davantage au service d'une idée qu'à celui de la danse.

Malgré des reproches strictement formels qui peuvent être adressés au chorégraphe, Béjart demeure cependant, en France, le personnage de la danse le plus attachant.

Pour permettre au public de faire connaissance avec les divers panoramas de la danse dans le monde, chaque année des troupes plus ou moins connues en France participent au Festival international de la danse. Au cours du Ve Festival on a pu applaudir le ballet de l'Opéra de Marseille et trois troupes étrangères.

Les troupes de l'Est

Le Ballet d'État du Wurtemberg-Stuttgart avait inscrit à son répertoire des chorégraphies de son directeur, l'Anglais John Cranko. Une version d'un Roméo et Juliette traitée avec trop de minutie et pas assez de rigueur ne put être sauvée par Marcia Haydée, qui se révéla cependant comme la véritable artiste de la troupe. Quant à la version de Jeu de cartes, elle se présenta comme un ravissant divertissement.

On attendait avec une certaine curiosité les troupes des pays de l'Est. Le ballet tchécoslovaque Praha nous transporta au cœur de la danse expressionniste. Les chorégraphies de Pavel Smok restèrent impuissantes pour traduire des thèmes qui se voulaient être d'actualité ; ses ballets Hiroshima et LSD furent un échec, tandis que Rossiniana apporta la preuve de dons chorégraphiques certains.

De Pecs nous vint le ballet hongrois Sopianae, qui présenta trois ballets de son animateur Imre Eck. La Ballade de l'horreur fut le plus intéressant de tous.

Le ballet de Marseille

Le ballet de l'Opéra de Marseille, dirigé par Joseph Lazzini, révéla le spectacle le plus intéressant du Festival.

Lazzini a confirmé qu'il était davantage un metteur en scène qu'un chorégraphe. Sa création Concerto champêtre en hommage à Francis Poulenc fut un ballet jeune et frais dépourvu de trouvailles chorégraphiques. E = mc2, réglé sur la remarquable partition d'Alexandre Mossolov Musique pour machines, aurait pu être le choc de la soirée si Lazzini n'avait pas étouffé ses danseurs sous les effets d'une écrasante mise en scène.

Le grand moment fut l'apparition de Jean Babilée dans le rôle du Fils prodigue. Babilée apparaît éternellement jeune, comme il y a vingt ans. Cet artiste demeure le plus doué que nous ayons connu en France. C'est un grand danseur qui possède le secret de son corps, qu'il dompte et soumet à sa volonté.

Les élèves de l'École académique de Moscou clôturaient le Festival avec de brillantes prouesses techniques.

Ballets traditionnels

Les passionnés de danse classique furent aussi comblés avec le Grand Ballet classique de France, qui pendant plus d'un mois occupa la scène du théâtre des Champs-Élysées. On assista à une succession de ballets traditionnels : Giselle, Coppelia, Casse-noisette, à de séduisants pas de deux : Don Quichotte, le Cygne noir, le Corsaire, entrecoupés de créations confiées à Joseph Lazzini et Gilbert Meyer.

On put faire connaissance avec des étoiles inconnues du public français. La Roumaine Magdalena Popa et la Hongroise Adèle Orosz se partagèrent le rôle de Giselle avec Lyane Daydé, vedette en titre de la compagnie. Mais ce fut Rosella Highthower qui remporta un triomphe aux côtés de James Urbain.

À l'Opéra, peu de nouveautés ; en décembre, une version moderne de Bacchus et Ariane signée Michel Descombey, et, en juin, la chorégraphie de la symphonie d'Olivier Messiaen Turangalîla, confiée à Roland Petit. Celui-ci ne sut cependant pas imposer une composition gestuelle à la mesure de l'œuvre musicale.