Les quatre associations symphoniques qui jouaient à Paris le dimanche après-midi ont, selon une statistique portant sur les dix dernières années (1967 inclus), exécuté 6 494 œuvres classiques ou romantiques, et 1 277 œuvres contemporaines. Ces œuvres sont réparties entre 117 compositeurs classiques ou romantiques, et 305 contemporains (la qualité de contemporanéité est ici conventionnellement attribuée aux artistes nés après 1880).

Les moins favorisés

Sous un autre angle, voici, par ordre décroissant, le nombre d'exécutions par compositeur (classique - romantique) Beethoven 1 303 ; Wagner 661 ; Mozart 577 ; Bach 378 ; Ravel 367 ; Brahms 251 ; Tchaïkovski 225 ; Berlioz 215 ; Schumann 176 ; Debussy 174. Ce sont les best-sellers : on remarque notamment l'avance formidable de Beethoven, et l'on voit que Debussy est infiniment moins joué que Ravel, et même que Tchaïkovski. Les moins favorisés sont : César Franck 62 ; Haendel 36 ; Mahler 9 ; Monteverdi 5 ; Bruckner 3.

Pour les contemporains, la fréquence est aussi révélatrice que les noms des compositeurs : Prokofiev 90 ; Stravinski 90 ; Falla 72 ; Gershwin 71 ; Rachmaninov 60 ; Bartok 51 ; Honegger 46 ; Milhaud 23 ; Jolivet 16 ; Chostakovitch 15 ; Kodaly 10 ; Poulenc 10 ; Messiaen 7 ; Britten 5 ; Dutilleux 5 ; Schönberg 5 ; Sibelius 4 ; Webern 3 ; A. Berg 3 ; Boulez 1 ; Varèse 0.

Un fait nouveau est cependant intervenu au cours de la saison symphonique 1967-68. La nouveauté tenait non à la composition des programmes, qui demeurent tout aussi routiniers, mais à la répartition géographique de ceux-ci.

L'Orchestre de Paris a, lors de sa création, absorbé la Société des concerts du Conservatoire (fondée en 1828). Restent donc, sur la place de Paris, trois associations dominicales (Colonne, Lamoureux et Pasdeloup), qui, selon une organisation nouvelle, ne jouent plus obligatoirement toutes les trois le dimanche à la même heure et à Paris, mais rayonnent à tour de rôle en banlieue, ce qui est un demi-progrès.

Un public averti

Sur le plan des récitals de solistes, la situation reste la même que précédemment : forte fréquentation des mêmes auteurs classiques et romantiques, fréquentation très faible des modernes.

En dehors de la fidélité constante que lui conservent les orchestres de l'ORTF, la musique moderne ne se réfugie guère que dans des concerts spécialisés. En ce domaine, on constate de très nets progrès, à la fois du côté des musiciens et du côté du public.

Les concerts du Domaine musical sont dirigés depuis cette saison par Gilbert Amy. Il faut souligner également le fonctionnement régulier et intensif de deux autres groupements. Musique vivante que dirige Diego Masson, et l'Ensemble instrumental de musique contemporaine de Konstantin Simonovitch. Ils donnent respectivement leurs concerts à l'Odéon-Théâtre de France, au TNP, et au théâtre de l'Athénée.

Une moyenne de six concerts est donnée à Paris par chacun de ces groupements, concerts dont les programmes sont en grande majorité composés de premières auditions, ce qui assure une information musicale relativement importante pour la capitale (quelque soixante œuvres nouvelles ou peu connues). Ces concerts sont de grande écoute ; ils font généralement salle pleine, et les concerts de Musique vivante sont fréquemment répétés deux soirs de suite. Ils s'adressent à un public averti et fanatique.

À ces auditions, il faut également rattacher la série de concerts organisés par le TNP avec le concours de l'Orchestre philharmonique de l'ORTF, concerts éducatifs reliant la musique actuelle à certains grands chefs-d'œuvre du passé.

La musique à l'ORTF

L'essentiel des émissions musicales de la radio est toujours fourni par la chaîne France-Musique, dont l'activité totale, de 7 heures à minuit, est consacrée à la diffusion d'enregistrements de musique ancienne, classique, romantique et moderne.

Les grandes formations symphoniques (Orchestre national et Orchestre philharmonique) continuent de se produire à la cadence d'un concert hebdomadaire, et dans des programmes sensiblement plus axés sur la musique moderne. Enfin, le Groupe de recherches de l'ORTF, animé par Pierre Schaeffer, poursuit son activité dans le domaine électro-acoustique, activité singulièrement accrue puisqu'il ne s'agit plus de travaux de laboratoire ou dédiés à une poignée de spécialistes, mais de concerts organisés régulièrement à la cadence mensuelle. Grâce à ces concerts, le public est tenu au courant d'une production qui a dépassé depuis longtemps le stade expérimental et en est maintenant à un très haut niveau artistique. À la suite d'une petite crise, Maurice Le Roux, précédent directeur de l'Orchestre national, a été amené à donner sa démission. Jean Martinon a aussitôt été nommé pour prendre sa place. Compositeur et chef d'orchestre, né en 1910, Jean Martinon avait auparavant été chef des Concerts Lamoureux et, au cours des années récentes, chef de t'Orchestre symphonique de Chicago, poste qu'il a quitté juste avant de prendre ses nouvelles fonctions à l'ORTF.