De Carlos Diegoes, dont le talent paraît inférieur à celui de Rocha, mais dont l'optique semble très voisine, on a pu voir également Ganga Zumba et la Grande Ville.

Autres pays

La nouvelle vague allemande n'a pas confirmé l'espoir que l'on avait mis en elle. Peu de films, il est vrai, sont arrivés jusqu'en France cette année. Une exception pourtant : la Route parallèle, de Ferdinand Khittl, fascinant puzzle intellectuel qui permet au spectateur de tester sa sagacité et son esprit de logique, ou, au contraire, de reconnaître sa déroute. L'œuvre aurait pu être pédante, elle est très réussie, mais son principe (aucune intrigue, des documents visuels à classer, une atmosphère kafkaïenne) en rend sa diffusion confidentielle.

De Grèce, deux films : Face à face, de Robert Manthoulis, et Jusqu'au bateau, d'Alexis Damianos ; d'Israël, une tentative sympathique, Trois Jours et un enfant. De l'Inde, un film très remarquable, Shakespeare Wallah, tourné par un cinéaste anglais, James Ivory, qui conte, avec une exemplaire justesse de ton, les aventures mélancoliques d'une troupe de comédiens ambulants anglais, jouant Shakespeare dans un pays qui se détourne insensiblement d'une culture que l'on pensait universelle.

Du Japon, un très beau film de Kobayashi, la Condition de l'homme, première partie d'une œuvre qui est la plus longue jamais tournée par un cinéaste (la projection complète dure près de 10 h).

Le Hollandais Joris Ivens, qui était toujours là lorsqu'il fallait défendre une cause, a laissé un témoignage partial, mais convaincu sur la guerre du Viêt-nam : le 17e Parallèle, après avoir participé à Loin du Viêt-nam.

Les reprises

Il faut encore noter, parmi les grandes reprises de l'année, Jeux interdits (qui a remporté un nouveau grand succès commercial) et Plein soleil, de René Clément, Le train sifflera trois fois, de Fred Zinnemann, Vampyr, de Carl Dreyer, la Sorcellerie à travers les âges, de Benjamin Christensen, l'Extravagant Mr. Ruggles, de Leo McCarey. Et, en large circuit public, la diffusion, jusque-là réservée aux habitués de la Cinémathèque, d'un grand film de Buster Keaton, le Cameraman.

Vers des solutions nouvelles ?

L'année 1967-68 ressemble fort à l'année 1966-67. On constate une fois encore une baisse de quelque 20 millions de spectateurs, ce qui n'est guère réconfortant.

Sans doute, les années noires du cinéma français dureront-elles encore quelque temps. On prévoit néanmoins pour 1972 un profond changement : la concurrence de la télévision devrait, à partir d'un certain seuil de saturation, ne plus jouer en défaveur du cinéma. Ces calculs optimistes sont fondés sur l'évolution cinématographique des États-Unis, où l'on note depuis plus d'un an une nette reprise.

Certains exploitants ne peuvent se permettre d'attendre ce nouvel âge d'or : 190 salles ont définitivement fermé leurs portes (contre 43 nouvellement ouvertes). D'autres salles, très nombreuses, connaîtront probablement le même sort, si elles ne peuvent faire face aux dépenses de rénovation indispensables pour conserver un public qui, vu le prix des places, a le droit d'être exigeant sur son confort. Les salles d'exclusivité continuent de grignoter petit à petit le public des salles de quartier.

Un nouveau public

Juste revanche, on a vu au mois de mai les Parisiens, privés de moyens de transport, d'essence et de télévision, se ruer dans les cinémas les plus proches de leur domicile. Les salles de quartier ont battu pendant deux semaines des records de représentations — au détriment des salles d'exclusivité, qui perdaient, elles, environ 40 % de spectateurs.

Autre phénomène très important : l'augmentation considérable du nombre des salles d'Art et essai, notamment en province. De très beaux films, autrefois distribués confidentiellement à Paris dans les salles du Quartier latin, vont pouvoir affronter un nouveau public jusque-là tenu à l'écart d'une certaine production de qualité.

Le nord de la France, où la télévision exerce une forte influence, apparaît comme la région la plus défavorisée dans le domaine de l'Art et essai, et globalement la plus touchée par la crise (11 % de spectateurs en moins par rapport à 1966-67, alors que la moyenne générale de baisse en France est de 7,56 %).