Jerry Lewis a comblé son public avec The Big Mouth (Jerry la Grande Gueule), et Richard Fleischer le sien avec Dr Dolittle, amusante féerie où trône un Rex Harrison entouré d'animaux étranges.

Grande-Bretagne

Quatre-vingt-dix pour cent des films y sont financés par les Américains ; il devient de plus en plus difficile de parler de cinéma britannique.

James Bond no 5, On ne vit que deux fois, n'a guère paru supérieur à James Bond no 4, qui lui-même... Sean Connery a décidé de se reconvertir ; on risque donc d'être débarrassé une fois pour toutes du fameux agent 007 dans les années à venir, à moins qu'un avisé producteur...

La destruction de James Bond par le rire a été tentée dans Casino Royale, un effroyable ratage, onéreux et totalement inutile (si l'on excepte un amusant générique).

Les films de Richard Lester ont fait un passage rapide sur les écrans français : pourtant, tout n'est pas à rejeter dans le Forum en folie, et il y a de fort belles scènes dans Comment j'ai gagné la guerre.

Le meilleur film britannique, c'est à un étranger qu'on le doit : Roman Polanski, dans le Bal des vampires, a tourné un truculent petit chef-d'œuvre d'humour noir.

Italie

Les films d'espionnage sont en perte de vitesse, mais les westerns made in Italy (ou made in Spain en coproduction) prolifèrent.

Le réalisateur Sergio Leone, sur sa lancée, a été engagé par des producteurs hollywoodiens. Certes, le Bon, la Brute et le Truand révèle un savoir-faire qu'on chercherait en vain dans le Ringo ou le Django de service. De là à donner des leçons aux Américains et à leur glorieuse tradition, il y avait un pas que n'ont pas hésité à franchir ceux qui font profession d'être à la remorque d'une mode, même la plus factice.

Le western italien surenchérit sur la violence, lance des jolies filles dans un désert de pacotille et ne lésine pas sur le mélodrame. Les acteurs transalpins portent des pseudonymes à consonance yankee, et le tour est joué.

Verve satirique

Le cinéma d'auteur devant cette invasion a bien du mal à survivre. Visconti a totalement échoué en réalisant l'Étranger. Cette illustration plate du roman d'Albert Camus a jeté la consternation parmi ceux qui tiennent Senso pour l'un des plus purs chefs-d'œuvre du cinéma italien. Franco Zeffirelli a dirigé le couple Elizabeth Taylor-Richard Burton dans la Mégère apprivoisée, une œuvre raffinée et truculente.

Bernardo Bertolucci est enfin sorti du purgatoire où le tenaient obstinément les distributeurs français : Prima della rivoluzione révèle un tempérament, comme Marco Bellochio, qui confirme sa verve satirique dans La Chine est proche, un virulent pamphlet politique. Le film de Gianfranco Mingozzi, Trio, est plus un essai qu'une œuvre accomplie, et le dernier Pietro Germi, Beaucoup trop pour un seul homme, est plutôt moins vulgaire que les précédents films de cet auteur, qui, on le sait, avait remporté la Palme d'or à Cannes en 1966.

Suède

Ingmar Bergman réussit un nouveau coup de maître avec l'Heure du loup, onirique et mystérieuse incursion dans le domaine psycho-pathologique, traitée dans un style qui rappelle l'expressionnisme allemand des années 20. Elvire Madigan, de Bo Widerberg, et les Feux de la vie, de Jan Troell, ont prouvé que le cinéma suédois ne se réduisait pas à la seule personnalité de Bergman.

Le dernier film de Widerberg est un hymne à l'amour fou, un majestueux poème en couleurs (des couleurs proches de celles des peintres impressionnistes). Le film de Troell (son premier long métrage) est une œuvre d'une grande sensibilité, une éducation sentimentale, sociale et politique d'un adolescent, obligé de travailler très tôt pour gagner sa vie (l'action se situe dans la Suède du début du xxe s.).

Deux autres films ont fait parler d'eux. Leur réalisateur est Vilgot Sjöman, qui avait, il y a deux ans, signé un très estimable Ma sœur, mon amour, mais semble cette fois n'avoir pas atteint exactement le but qu'il s'était fixé. 491 et Je suis curieuse ont attiré les foules par leur relent de scandale et une publicité bien orchestrée.