Dès la rentrée parlementaire d'octobre 1967, la vie politique s'annonce houleuse. Elle est vite troublée par des agitations et des scandales ; sans doute, la perspective des élections générales de mai n'y est-elle pas étrangère. Ces malaises se développent encore par-delà les élections et provoquent une crise gouvernementale qui aboutit à un gouvernement d'attente démocrate-chrétien dirigé par le sénateur à vie Giovanni Leone.

Les premières escarmouches parlementaires se produisent à l'occasion d'une loi qui prévoit la création de conseils régionaux. Soutenue par les communistes, la majorité gouvernementale défend à la Chambre cette loi prévue dans la Constitution de 1947, contre les libéraux et les néo-fascistes, qui pratiquent l'obstruction. Deux cents amendements sont déposés pour bloquer le vote des 26 articles. Le 31 octobre, après quinze jours de débats continus, tous les articles sont adoptés.

La majorité de centre gauche connaît, au début de 1968, quatre jours de débats tendus. Grâce à l'habileté de son chef, Aldo Moro, la crise est évitée de justesse. Ce n'est pourtant que partie remise.

Fin de l'ouverture à gauche

Le président Saragat signe, le 12 mars, les décrets de dissolution des Chambres et de convocation des électeurs pour les 19 et 20 mai. Dix-huit millions d'Italiens, soit 56 % des électeurs, se prononcent pour le centre gauche.

Au lendemain des élections générales, le parti socialiste unifié de Pietro Nenni annonce qu'il se retire temporairement (jusqu'au congrès PSU d'octobre) de la coalition tripartite. Dictée par la base, cette décision marque un durcissement des socialistes, qui viennent de perdre près d'un million et demi de voix. C'est aussi la fin de l'apertura a sinistra, la démocratie chrétienne et le parti républicain ne disposant pas, à eux seuls, d'une majorité.

Le président de la République, Giuseppe Saragat, entame, dès le 6 juin, ses consultations en vue de former le nouveau gouvernement. Mariano Rumor, secrétaire général de la démocratie chrétienne, se voit confier la tâche de convaincre les dirigeants socialistes à participer, ne serait-ce que jusqu'en octobre, à un gouvernement de centre gauche. Il échoue. La position socialiste est de laisser se constituer un gouvernement démocrate-chrétien, afin qu'il fasse la preuve de son engagement social.

Le président Saragat charge alors Giovanni Leone, sénateur à vie, démocrate-chrétien, de constituer un gouvernement d'attente. Pour son gouvernement de transition, G. Leone va disposer d'une majorité fragile. L'aile gauche des démocrates-chrétiens, en effet, déclare qu'elle se désengage. Les républicains annoncent qu'ils s'abstiendront dans les votes, et certains socialistes, opposés au désengagement actuel de leur parti, en feront autant.

Les scandales politiques

Une des affaires les plus notoires est le procès Lorenzo. Dans un article paru le 11 mai 1967, l'hebdomadaire radical Expresso accusait alors le général de corps d'armée Giovanni De Lorenzo, chef du Service intérieur des forces armées (SIFAR), le service de renseignements italien, d'avoir participé, en 1964, à la préparation d'un complot politique. Le procès en diffamation intenté par l'officier vient à audience en janvier 1968. L'opposition s'en empare. Le procès se retourne contre le demandeur, devient celui de l'officier, puis celui des hommes politiques, enfin celui des institutions italiennes.

L'opinion publique apprend, malgré des points qui restent obscurs, que De Lorenzo a pu devenir une sorte de puissance occulte, grâce aux archives secrètes italiennes, qu'il a eues entre les mains pendant dix ans. À la tête d'une équipe de 900 officiers, sous-officiers et carabiniers, il a constitué plus de 150 000 dossiers d'informations sur des particuliers. Il a compté des amis politiques dans tous les partis et il a largement usé en leur faveur des fonds secrets dont il disposait. C'est finalement pour le motif de propagande politique au sein de l'armée que le général De Lorenzo est suspendu.

Plusieurs autres affaires de compromissions et de prévarications éclatent publiquement. Plusieurs journaux romains accusent sept membres du gouvernement d'avoir détourné des fonds publics. Les accusations, toutefois, restent vagues et n'ont pas de conséquences sérieuses.